25 novembre 1919, 18h01.
Shelby Company Limited, Small Heath, Birmingham.
- Ne commence même pas à faire du temps supplémentaire, l'avertit Lizzie lorsqu'elle sort de son bureau. Après l'heure, ce n'est plus l'heure.
Orla jette un coup d'oeil à la montre attachée à son poignet gauche - effectivement, elle a déjà dépassé d'une précieuse minute son temps de présence règlementaire.
- Pas besoin de me le dire deux fois, marmonne-t-elle en reculant sa chaise.
Lizzie - une secrétaire, qui a aidé Orla à prendre ses repères pendant les premiers jours - sourit et disparaît dans le couloir. S'il y a bien une chose qu'elle a inculqué à son apprentie, c'est qu'elles ne sont pas assez payées, ni l'une, ni l'autre, pour ne donner ne serait-ce qu'une minute de leur temps gratuitement à l'entreprise.
Rapidement, Orla met les papiers en ordre sur son bureau. C'est la première fois de sa vie qu'elle dispose d'un bureau (autant le meuble que la pièce) et, pour l'instant, elle n'a pas encore trouvé de façon convenable de s'organiser sans que...
Sans qu'un ouragan ait l'air d'être passé par ici. A la fin de chaque journée de travail, la table est recouverte de feuilles ; mais c'est également le cas du rebord de la fenêtre et, parfois, du sol.
« Je vais demander à un des gars de vous monter une deuxième table », lui avait promis John Shelby, un des frères du fameux Thomas, lorsqu'il avait vu la scène du crime il y a quelques jours.
Ici, une pile avec les lettres en irlandais qui ont été reçues par monsieur Shelby ; là, une autre avec celles de monsieur Shelby qu'Orla doit traduire... Et, entre les deux, trois livres sur la traduction, deux sur la grammaire irlandaise, une demi-centaine de feuilles brouillons et quelques pages de lexique qu'elle se note au fil de son travail.
En toute honnêteté, ce n'est pas un job aussi facile que ce qu'elle pensait. Certes, elle maîtrise les deux langues, mais à l'oral plutôt qu'à l'écrit ; et c'est particulièrement vrai pour l'anglais. Mais heureusement, les textes qu'Orla traduit ne sont pas envoyés directement à leurs destinataires : elle les donne à Lizzie, qui se charge de les rédiger en bonne forme et d'en corriger les fautes qui échappent à Orla.
Deux minutes plus tard, Orla ferme la porte de son bureau à clé derrière elle. Au final, ce seront trois minutes de temps supplémentaire non payées qu'elle aura perdues aujourd'hui : elle aura donc donné l'équivalent d'un brossage de dents au capitalisme.
Jessie ne serait pas fière d'elle.
Sur le pallier d'en face, elle remarque que la porte du bureau d'Ephraïm Shelby est encore entr'ouverte - celui-là, a-t-elle constaté, n'en a pas grand-chose à faire de ne pas terminer à l'heure. Mais bon, comme c'est son frère qui fait tourner la boutique, c'est certainement différent.
Comme tous les soirs, elle hésite à aller le déranger pour lui dire au revoir, mais ne le fait finalement pas. La seule fois où elle l'avait fait, il avait l'air tellement plongé dans ses calculs qu'elle a immédiatement regretté de l'avoir fait perdre le fil de son travail.
En descendant les escaliers en colimaçon jusqu'au deuxième, puis au premier étage et enfin jusqu'au rez-de-chaussée, elle croise plusieurs autres employés qui ont la même destination qu'elle : la liberté. Elle en salue certains - Lizzie, évidemment, mais aussi Finn, un gamin qui est souvent chargé de ramener les lettres jusqu'au bureau.
- Vous allez au Garrison? lui demande ce dernier tandis qu'ils traversent côte à côte la boutique où se tiennent les paris équestres en journée en bas.
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Ephraïm Shelby » Peaky Blinders
FanfictionBirmingham, 1919. Après de longues années de guerre, Ephraïm Shelby rentre dans sa ville natale, Birmingham. Pour des raisons obscures et pleines de suspense que je vous invite à découvrir, il ne s'attendait pas à des retrouvailles avec sa famille...