── Chapitre 71 : Ephraïm.

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   26 décembre 1919, 18h04.

   Royal London Hospital, Londres.

- Nous étions justement sur le point de parler de vous, dit Campbell en adressant ce qui se veut certainement être un sourire chaleureux à Orla. 

   Pas la moindre trace de chaleur sur son visage à elle, cependant ; uniquement un rideau de confusion totale qui, dans d'autres circonstances, aurait pu amuser Ephraïm.

   Mais pas maintenant, pas aujourd'hui. Pas quand il est hospitalisé depuis hier à cause de... de ses problèmes habituels, et qu'Orla débarque dans sa chambre un quart d'heure après ce maudit Campbell.

- Inspecteur, le salue-t-elle quand elle a retrouvé ses esprits. Je ne m'attendais pas à vous trouver ici.

- Une bonne surprise, j'espère? (Assis sur un fauteuil, il fait signe à Orla de rentrer dans la pièce. Elle s'exécute.) Venez, il reste des biscuits.

   Il prend la boîte en métal qu'il avait ramenée avec lui et posée sur la table de chevet du lit. Une fois le couvercle retiré, Ephraïm, debout dos à la fenêtre à quelques de mètres de là, arrive à voir que le contenant est déjà presque vide, alors que ce ne fait que 14 minutes que l'inspecteur est venu.

   Pour sa défense, Ephraïm garde un souvenir très positif des talents de pâtissière de la Docteure Singh. 

- Une bonne surprise en effet, de vous voir ici, ment élégamment Orla. Oh, est-ce que ce sont des biscuits au chocolat?

- Pour sûr, répond Campbell en lui tendant la boîte. 

   Orla en prend un, qu'elle brise en deux avant d'en manger la moitié. En mâchant, elle réfléchit un instant, puis hoche la tête.

- Très bon, commente-t-elle. 

- Très bon en effet, confirme l'inspecteur. Vous êtes certain de ne pas en vouloir, Lieutenant-Colonel?

- Il est certain. (Orla a répondu avant qu'il n'ait le temps de prononcer le moindre mot. En l'espace d'une demi-seconde, elle a englouti la seconde moitié de son biscuit, avant de venir en piocher un suivant dans la boîte que tient encore Campbell.) Comme cela, il en reste davantage pour nous, monsieur l'inspecteur.

   Ce commentaire fait audiblement rire l'intéressé - un rire gras, fort -, ce qui ne fait pas rire du tout Ephraïm. Orla aussi ne s'attendait visiblement pas à un tel succès - elle a un mouvement de recul, puis vient stratégiquement se planter devant l'armoire de la chambre, soit à bonne distance des biscuits et de leur distributeur.

- Je disais donc que nous allions aborder votre cas, mademoiselle Cagney, reprend l'inspecteur une fois calmé. N'est-ce pas, Lieutenant-Colonel? (Avant qu'Ephraïm n'ait le temps de répondre, il enchaîne : ) Ou votre cas à vous deux, si je veux être exact. (Il lève une main à la hauteur de son visage.) Puis-je voir vos doigts, mademoiselle?

   La première chose qu'Orla fait, c'est d'interroger Ephraïm du regard et...

   Ephraïm détourne immédiatement la tête, soudain plongé dans la contemplation du parquet luisant. Il serre nerveusement une bretelle du pantalon qu'il porte sur une vieille chemise blanche.

   N'oublie pas pourquoi tu es ici, dans cet hôpital, se rappelle-t-il à lui-même. 

- Mes doigts se portent à merveille depuis que j'ai arrêté de travailler dans cette usine de thon, finit-elle par répondre. (Elle inspecte ses deux mains.) Non, vraiment, je...

- Ephraïm - pourquoi est-ce que je ne vois pas de bague sur les mains que mademoiselle me présente?

   Quel magnifique parquet!

Ephraïm Shelby » Peaky BlindersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant