── Chapitre 100 : Orla.

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   31 janvier 1920, 18h00.

   A la fête de mariage d'Orla et d'Ephraïm.

- Ah, te voilà ! 

   Elle s'arrête et fait volte-face lorsqu'elle entend la voix de Jessie. Orla venait de sortir de la péniche - seule - et était en train de traverser le petit bout de prairie qui mène jusqu'à l'endroit où les tables et chaises ont été installées pour les invités. La nuit commence à tomber, et un grand feu de camp, ainsi que des guirlandes lumineuses accrochées ça et là à des poteaux en bois ont été allumés avant que la pénombre ne se fasse totale.

- Jessie, la salue-t-elle en resserrant le châle épais en laine blanche qu'elle a enroulé autour de ses épaules avant de sortir. Comment vas-tu?

- C'est à toi que je devrais poser la question. Les gens ont commencé à remarquer que vous aviez disparu de la fête, toi et ton monsieur.

- Oh, oui. Il... cherchait des verres à champagne, dans la cuisine, et je suis allée l'aider. 

   ... ce qui n'est pas totalement un mensonge, puisque c'était effectivement le plan initial. 

   Jusqu'à ce que les choses ne dérapent un peu. Mais cela, personne n'a besoin de le savoir.

- Des verres à champagne, confirme Jessie. Ces beaux verres à champagne que tu tiens justement entre tes mains.

- Nous n'en avons pas... Oh, toi, soupire-t-elle en retenant l'envie d'enfoncer le chapeau à fleurs bleu de Jessie sur sa tête. C'est le jour de mon mariage, enfin ! Tu n'as pas le droit de te moquer de moi.

- Je n'oserais jamais. (Jessie et Orla se remettent à marcher côte à côte en direction des festivités.) De toute façon, si cela peut te rassurer, je ne crois pas que vos invités aient perdu le sourire en constatant la pénurie de verres à champagne - juste avant, j'ai vu le plus jeune des frères Shelby boire directement la moitié d'une bouteille au goulot. C'est qu'ils sont plein de ressources, dans cette famille !

- Finn? Finn a...

- Ne t'inquiète pas, je lui ai tiré les oreilles - littéralement, précise-t-elle en glissant son bras en dessous de celui d'Orla. Je ne me souvenais plus de son prénom, mais je sais que tu l'aimes bien, ce gamin, alors j'ai pris la liberté de faire ce que je pensais être le plus juste en ton nom.

   Orla hausse les sourcils, mais ne pourrait honnêtement prétendre être surprise par cette révélation. S'il y a bien une chose qu'elle a appris à propos de Jessie Eden : si la porte est fermée à clé, passons par la fenêtre. Et s'il n'y a pas de fenêtre, on se faufile par le plafond.

- Si Finn me pose la question, je lui dirai tout de même que je n'ai rien à voir dans cette histoire, et que je ne t'ai pas demandé de violenter le pauvre enfant.

- Ah, c'est à cela que nous jouons? Gentil policier, mauvais policier

   Elles arrivent au niveau des tables, où la moitié des invités est déjà en train de discuter jovialement autour des premiers plats à avoir été servis. 

   Orla dit à Jessie de déjà s'installer ; elle, de son côté, se sent désormais moralement obligée d'aller vérifier les états du pauvre Finn (et de réaliser une rapide estimation de son niveau d'ébriété). Le jeune homme se tient près du feu de camp, en train de s'amuser à y jeter des petites brindilles pour raviver les flammes avec quelques autres adolescents de son âge. 

   Ne voulant pas passer pour une... belle-sœur rabat-joie, Orla reste debout à quelques mètres d'eux en croisant les bras ; attendant que Finn la repère de lui-même.

   Ce qu'il finit par faire, de nombreuses minutes plus tard.

- Elle m'a fait mal, ton amie, est la première chose que Finn lui dit.

   Les sourcils d'Orla se haussent. Le connaissant, elle imaginait qu'il n'allait pas avouer s'être fait tirer les oreilles par une femme, mais finalement...

- Elle m'a dit que tu avais bu du champagne à la bouteille. Si c'est le cas, tu as eu de la chance d'avoir été vue par Jessie et non par Polly.

- Peu importe, marmonne-t-il en faisant rouler un caillou sous la pointe de sa chaussure. Polly n'est pas ma mère.

   En effet. Mais c'est la femme qui s'occupe de ton linge, qui fait en sorte que tu aies à manger tous les jours, et qui te défend quand tes frères sont trop brusques envers toi, pense Orla.

- Oh, donc tu souhaites que nous allions raconter tout cela à ta tante? demande-t-elle à la place.

- Non, c'est bon, marmonne Finn.

- Hm. (Elle le gratifie d'une tapote dans le dos tandis qu'ils regardent tous les deux les flammes dansantes du feu de camp.) Dans ce cas, je pense que la meilleure chose à faire, c'est de...

   Orla perd le contrôle de ses mots. 

   Elle vient de...

   Une rafale de vent vient de raviver les flammes ; les faisant brusquement monter en hauteur de plusieurs dizaines de centimètres en plus. Mais lorsqu'elles descendent, elle...

   Elle aperçoit quelque chose.

   Quelqu'un.

   De l'autre côté du feu de camp.

   Qui la regarde ; les bras croisés et un sourire non dissimulé sur le visage.

   En rejoignant Finn, elle n'avait pas particulièrement porté attention sur les autres jeunes gens regroupés avec lui.

   Elle aurait dû. Car l'un d'eux est un peu plus âgé que les autres -

   Il a précisément deux ans et demi de plus qu'Orla.

- Bonjour, Orla, lui dit son frère Kieran de l'autre côté du feu de camp. 

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Ephraïm Shelby » Peaky BlindersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant