6 décembre 1919, 20h49.
Shelby Company Limited, Small Heath, Birmingham.
- Tommy n'en reviendra pas, répète Ephraïm d'un air absent pour la centième fois en dix minutes. Il n'en reviendra pas.
- Moi non plus, je n'en reviens pas. Nous n'en revenons pas, s'empresse de corriger Alma après un furtif coup d'oeil envers Sommer.
Lorsqu'Ephraïm croise le regard de ce dernier, Maximilian affiche un sourire crispé.
Evidemment. Lui aussi, il n'en revient pas, mais pas pour les mêmes raisons.
Ils se sont assis tous les trois à une longue table dans l'entrée du magasin de paris ; là où, en journée, les secrétaires sont occupées à retranscrire les nouvelles mises entrantes à la machine à écrire. (Il y a quelques mois encore, tout se faisait à la main, mais il y a eu plusieurs incidents où d'anciens employés avaient volontairement écrit des chiffres de manière peu lisible pour que les clients, complices, puissent prétendre avoir gagné une plus grande somme que prévue. A la machine à écrire, plus de place pour ces subtilités.) Ephraïm s'est installé en bout de table ; ceux qui s'appellent désormais monsieur et madame Sommer à sa droite - d'abord Alma, puis Maximilian, une main fermement posée sur le dossier de la chaise de sa femme.
- Nous vous pensions tous morts aussi, enchaîne Alma. (Elle se tient droite comme un « i » sur sa chaise, comme si elle prenait volontairement soin à ne pas frôler la main de Maximilian dans son dos. A moins qu'Ephraïm n'imagine des choses.) Mais quand Oswald m'a écrit en me parlant de Thomas, bien vivant, j'ai...
- C'était inattendu, l'interrompt Sommer.
- ... incroyable, oui. J'étais à l'hôpital quand j'ai reçu la lettre : je l'ai fait lire à mes collègues, pour être certaine que je n'étais pas en train de perdre la tête. Car quand j'ai vu que mon frère avait écrit que « Les affaires de ton mari se portent très bien », je....
Elle hausse les épaules, à court de mots. Elle a un sourire absent sur les lèvres, qu'Ephraïm lui rend tout en se demandant déjà où est l'anguille sous roche. Ici, il n'y a pas de miracles, seulement le fait d'hommes.
Mais le fait de qui, cette fois?
- Ancien mari, corrige Sommer à voix basse.
Oh, tais-toi!
Ephraïm a connu les deux en France, dans le premier hôpital où il avait séjourné. Alma y travaillait en tant qu'infirmière ; lui, Tommy et Sommer en tant que patients -
Plus ou moins. Mais cela, c'est une longue histoire.
Dans tous les cas, Ephraïm a eu le temps de connaître un peu Maximilian Sommer. A l'époque, il était un peu plus maigre (la guerre!) et il avait un peu plus de cheveux que cela (un peu jeune pour avoir une calvitie naissante - Ephraïm en profite pour remercier les gènes Shelby, qui les préservent tous de ce malheur depuis des générations).
Et Sommer était...
... gentil? Pas méchant, en tout cas. Un peu renfermé sur lui-même - surtout avec les autres soldats (ce qui, rétrospectivement, prenait sens au vu de sa longue histoire -, mais jamais avec Alma. Non, Alma, cela a toujours été...
Oh, il y en a un qui a dû être ravi quand Tommy était « mort » !
Ephraïm ne pense même pas cela avec amertume tant le constat est évident.
Et maintenant, près de trois ans plus tard, extrêmement déçu d'être à Birmingham.
- Donc tu travailles encore dans un hôpital, Alma? (Ephraïm décide de changer de sujet vers quelque chose de moins risqué. Elle hoche la tête en guise de réponse.) C'est une bonne nouvelle, cela. Tu as toujours été une des meilleures infirmières que j'ai connues - et le Ciel sait que j'en ai croisées pas mal.
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Ephraïm Shelby » Peaky Blinders
FanfictionBirmingham, 1919. Après de longues années de guerre, Ephraïm Shelby rentre dans sa ville natale, Birmingham. Pour des raisons obscures et pleines de suspense que je vous invite à découvrir, il ne s'attendait pas à des retrouvailles avec sa famille...