── Chapitre 85 : Orla.

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   23 janvier 1920, 17h06.

   A bord de la péniche Queenie.

- Tout est rentré dans l'ordre. (Ephraïm doit se baisser lorsqu'il descend les quelques marches qui mènent à l'intérieur de la péniche.) Dans la mesure du possible, en tout cas.

   Les jambes repliées sous elle, Orla est assise sur le canapé à quelques mètres de là. En l'entendant arriver, elle se retourne et pose le côté de sa tête sur le haut du dossier. Le napperon blanc lui laissera sûrement une marque sur le bas de la joue, elle le sent à l'avance.

- Je n'arrive pas à imaginer comment cela peut être le cas, dit elle d'une voix encore enrouée à force d'avoir passée une grande partie de la journée à pleurer.

- Ton frère est... Il est encore à la centrale de police, mais il ne sera pas exécuté.

- Hm. (Orla le regarde suspendre son manteau à un crochet à gauche de la porte.) « Il ne sera pas exécuté », ou « Il ne sera pas exécuté pour l'instant » ?

- La première version, répond-il avant de venir s'asseoir à côté d'elle sur le canapé. Ce n'était pas gagné, mais... (Ephraïm pose ses mains sur ses propres genoux en soupirant lentement ; fixant un point imaginaire sur le tapis au sol.) Disons que Campbell a compris que c'était dans son meilleur intérêt que de garder les Peaky Blinders dans sa poche.

   Orla hoche lentement la tête, sans trop comprendre comment Ephraïm a bien pu s'y prendre pour parvenir à ce résultat ; aussi temporaire est-il probablement. 

- Tu me le promets? demande-t-elle d'une petite voix.

- Je te le promets, Orla. 

   Il se tourne vers elle. Dans un geste hésitant, il finit par poser une main sur le bas de sa cuisse. Quelques heures plus tôt, elle a troqué sa si belle robe de mariage contre une de ses chemises et jupes habituelles, et à cet instant, à sentir les doigts d'Ephraïm à travers ce vieux tissus rugueux plutôt qu'à travers de la dentelle élégante, comme c'était prévu...

- J'ai sorti une carte joker de ma manche, avec Campbell, enchaîne-t-il pour la rassurer. Un petit quelque chose que je gardais avec moi depuis la guerre ; une porte de secours pour allumer la lumière durant les jours les plus sombres. Crois-moi - c'est un abruti, mais il n'est pas stupide. 

- Est-ce que je peux savoir de quoi il s'agit?

   Au fond, Orla n'a pas envie de savoir - elle n'a pas envie d'être consciente de quoi que ce soit qui s'est passée durant cette journée catastrophique. Mais elle a besoin d'être certaine que Kieran...

   Kieran ne peut pas mourir. C'est impossible.

- Des affaires de guerre. Campbell a fait des choses peu respectables pour quelqu'un de son rang, répond-il évasivement. 

- C'était la guerre, marmonne-t-elle. Rien n'était respectable. (En fronçant les sourcils, elle secoue la tête en reportant son attention sur Ephraïm.) Désolée. Merci de... De t'être occupé de tout cela. Tu n'étais pas obligé.

   Ses doigts s'enfoncent un peu plus dans sa peau.

- J'ai fait ce que j'avais à faire, Orla. Et je le referais volontiers à chaque fois que cela sera nécessaire. 

   Elle acquiesce silencieusement en détournant le regard.

- J'espère que cela ne sera pas le cas trop souvent, à l'avenir. A la longue, cela risque d'être fatiguant pour toi. 

- Je ne t'aurais pas demandé d'être ma femme si je n'étais pas prêt à passer le reste de ma vie avec quelqu'un de très fatiguant. Crois-moi, j'avais prévu une grande marge.

Ephraïm Shelby » Peaky BlindersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant