Et il avait toujours été ainsi.
Quand Sunoo avait commencé à comprendre que le problème ne venait pas des autres mais de lui, la chute a été immédiate. Il a chuté dans un immense trou noir ou il ne pouvais voir que le passé monochrome de son enfance. C'était ni exaltant ni rassurant. Il ne voyait que les mauvais souvenirs et les mauvais côtés de sa personne. Le prince ne voyait entre autre, que la colère et la révolte d'une injustice omniprésente. L'enfer d'être enfermé dans une cage hissée en haut d'une catapulte géante.
Il aurait pu découvrir un nouveau continent, il ne voyait que le voyage épuisant et rempli de remous sans gloire et sans réputation qui le précédait. Et est ce qu'il avait découvert un nouveau continent ? Bien sûr que non. Alors l'image l'énervait encore plus.
Dans un coin de sa tête, dans les souvenirs où il ne retourne plus, ceux qu'il ne montre à personne, il y a le visage tendre et aimant de sa mère qui l'encercle de ses bras fragiles. Elle le berce et essuie ses larmes quand il n'arrive pas à dormir. Elle rend la douleur des expériences supportable. Tout devient réalisable dans ses bras. Il peut bien mourir demain, si elle continue de le bercer contre son cœur.
Mais rien de tout ça n'a encore de sens aujourd'hui. Des paroles en l'air. Des foutaises bien écrites. Elle n'est plus là. Elle ne reviendra pas, les bras grands ouverts pour retrouver son fils bien aimé.
La mort à pris un tournant si spéciale dans sa tête ce jour-là. Elle était injuste et directe. Elle prenait les plus démunis, les moins méritants. Elle arrachait une sœur à son frère. Elle prenait sa femme, lentement et dans une douleur infini. Elle lui arrachait son double pour en faire un vieux souvenir amer.
Les pertes des êtres chers sont un peu comme une tâche qui ne veut pas partir, un peu de soupe au fond d'un pot qu'on ne pourrait pas attraper la cuillère. C'est tenace pour un rien et étrangement ça nous énerve. Sunoo avait cru pouvoir tout oublier, repartir de zéro et racheter un bol de soupe, pourtant les images et les souvenirs ne sont jamais partis. Il a simplement continué à sombrer mais dans le silence cette fois-ci. Aucun mot n'aurait pu décrire la déchirure grandissante qui venait grignoter ses entrailles. C'était comme si à chaque fois, plus le temps passait et plus il se demandait pourquoi il n'était pas encore parti. Il y a de lui dans la mort, comme une tache d'encre au fond d'un verre d'eau.
Mais il ne veut pas partir aussi vite, mais il aimerait que tout soit soudain. Qu'un jour on lui offre la possibilité de dire oui sur un coup de tête, pour que la décision ne soit pas faussée par l'amour incertain que lui offrent ses proches.
Parce que plus il y pense, plus il se perd. Plus il y pense et plus il le veut, plus il y pense et plus il a du mal.
Il aurait pu, que dit-il, il aurait dû en tirer des leçons.
"Vis ta vie comme si demain tu mourais."
"Fais-le, dis-le, sinon demain, tu regrettera pour le reste de ta vie."
Au lieu de cela, il vivait sans attache, il aimait sans amour. Le petit prince compensait cette haine de lui-même et des autres en se convainquant qu'il pouvait être autre selon l'endroit où il se trouvait.
Si il pouvait partir et ne rien laisser, que tous les souvenirs qu'on avait de lui s'évaporaient, il le ferait. Comme ça il ne serait pas égoïste. Comme ça il n'aurait rien à regretter. Personne ne pourra dire qu'il a détruit ou qu'il a blessé. Il veut partir dans le vent, se laisser porter à travers les gouttes de pluie et sentir les nuages l'aspirer doucement.
Sunoo le savait, qu'il était trop tard pour faire demi-tour. Le jour où tu n'as plus peur de mourir, où l'imaginer devient une habitude, tu sais que tu as passé un point de non-retour.
"Sunoo !"
La voix de Jake réveilla le pauvre homme qui s'était assoupi contre un arbre. C'était bien la première fois qu'il arrivait à s'endormir ainsi, à la merci de tous.
"On va repartir, tu devrais sceller ton cheval et prendre des affaires chaudes, Jay dit qu'il y aura du vent sur la capitale."
Gin, la capitale du royaume. Une immense ville où l'on voit encore les ravages de la guerre. Le château à été partiellement détruit mais il reste de nombreuses petites maisons et commerces aux alentours. Les habitants qui avaient survécu aux attaques on continué de vivre ici, incapable de trouver d'autres habitations ailleurs. Depuis l'entrée de la ville, un grand arche de pierre vieilli par le temps et les plantes qui ont poussé dessus, on aperçoit une place avec une fontaine au centre. Les rues sont pavées avec de petites pierres taillées et sur celle ou l'on à représenté la famille royale, des coups de masse les ont détruites.
Quand ils arrivaient aux pieds de ce géant, le vent soufflait si fort qu'on aurait pu croire qu'il voulait les chasser. Et bien qu'on puisse le croire impossible avec autant de contrainte, la ville bougeait et vivait, les résidents étaient dehors, emmitouflés dans de grands draps, la tête recouverte et les épaules au chaud.
Ici, tout le monde craint les jours venteux, particulièrement quand ils transportent le sable griffant des terres du sud. Le Neïde lança un œil accusateur autour de lui. C'était ici sa terre natale, l'endroit que les enfants appellent "la maison". Pourtant il ne se sentait pas chez lui, pour rien au monde il serait resté une seconde de plus sur le parvis de la place, à regarder ce couple s'égosiller pour vendre du poisson frais.
"Avoue-toi qu'ils ne sont que des figurants dans ton ascension vers la gloire.
Soit le seul qui dirige. Soit le seul qui peut te dire stop.
Le seul qui peut, et qui t'en empêchera, c'est toi."
La voix monotone et sèche de son père résonna dans sa tête. C'était une torture de l'entendre parler, de l'entendre murmurer ces règles sans jamais s'arrêter. L'image de son père, là-bas, dans les cachots du palais, le hantait toujours dans ses rêves.
"Ton comportement fait de toi plus que ton avis.
Change tout pour qu'ils ne puissent jamais te cerner."
"Taisez-vous." Lacha Sunoo en soufflant alors qu'il commençait à avoir un mal de crâne.
"Pardon ?"
La voix de Jungwon qui n'avait toujours pas osé lui parler de l'incident dans la prison passa à côté et s'avança dans les ruelles de la ville.
Le petit homme se retourna et observa son ami qui serrait le poing. Jungwon savait. Il savait tout. Il avait toujours su.
"Est-ce que tout va bien ?"
T/P posa une main sur son épaule et il se détendit instantanément. Elle avait cet aura, ce délice incommensurable qui l'enserrait de ses bras et ne le laissait pas partir. Il l'avait prise pour la Reine mère le jour où elle était sorti des eaux avec les cheveux blanc. Plus il y réfléchissait, plus il comprenait.
Est ce que c'était pour ça qu'il avait accepté de l'aider ? De suivre cette folie et de retourner dans l'antre de ses démons. Tout ça pour elle ?
T/p n'avait pas le sang de ce tyran. Elle n'avait que la douceur de leur mère. Elle n'était pas comme lui, elle était pure.
Alors peut-être, peut-être que pour elle, il pourrait bien mourir demain si elle continuait de l'apaiser.
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Lost In Seven Hearts TERMINE
FanfictionQuand elle se réveille dans un lit inconnu, T/p ne se rappelle de rien sauf de son prénom. Enfermée dans une pièce et couchée sur un lit à grand baldaquin blanc, le monde se dérobe sous ses pieds au fur et à mesure qu'elle se rend compte que ses sou...