Au cœur des ténèbres (Sanzu x OC x Mikey)

2 - Eijiro

- "Madame, Monsieur, nous sommes arrivés à Tokyo, aéroport international Tokyo-Haneda. Il est actuellement 16h25 et la température extérieure est de 11° degrés celsius. Veuillez rester attaché jusqu'à l'extinction de la consigne lumineuse. Je vous rappelle que l'utilisation d'appareils électroniques est autorisée après avoir débarqué de l'avion et d'avoir franchi la douane. Merci d'avoir partagé ce vol avec Air France."

Pour la première fois depuis deux semaines, Yuna ressentait du soulagement à l'entente de cette annonce faite en français. Les derniers mètres que l'avion fit avant de pouvoir se détacher étaient scrutés par la brune à travers le hublot. En faisant ses premiers pas sur le carrelage de l'aéroport, elle retrouva la sensation familière de se sentir chez elle, dans le pays où elle avait toujours vécu. Elle rentrait de son tout premier voyage en France, et malheureusement pour elle, cela n'avait pas été effectué pour y passer des vacances afin de découvrir son pays de naissance. Non, elle avait foulé le sol français pour organiser les funérailles de sa défunte mère selon son souhait.

Tant de choses s'étaient passées depuis cette nuit du 14 avril et pourtant, elle avait encore l'impression d'être assise en face de ce lieutenant. Comme si son esprit n'avait jamais pu vraiment quitter cette pièce.

Quand elle quitta l'aéroport, valise en main, elle s'arrêta un instant pour sortir son téléphone de son sac à main. Son doigt hésita à retirer le mode avion, par crainte de recevoir une nouvelle accablante. Ses nuits étaient parsemées de cauchemars d'appels téléphoniques chamboulant le cours de sa vie à tout jamais. Parfois réaliste, parfois rocambolesque. Maintenant, dès que son téléphone sonnait, elle se tétanisait de peur. Et Dieu sait qu'il l'avait beaucoup fait depuis le décès de sa mère.

La jeune femme ferma les yeux en touchant l'écran tactile et fit des exercices de respirations pour tenter de calmer son coeur palpitant. Elle avait coupé le son des notifications pour ne pas nourrir cette nouvelle phobie, mais les vibrations qui se répercutaient sous la paume de sa main l'angoissaient.

C'était de cette manière que son esprit avait choisi de réagir face à cet événement traumatisant.

Elle ouvrit les yeux après quelques minutes, partiellement aveuglée par la luminosité du soleil. Devait-elle consulter ses messages maintenant ou pouvait-elle attendre d'être arrivée chez elle ? À peine avait-elle osé se questionner mentalement qu'elle fourra le smartphone dans la poche de son manteau. Pourtant, elle avait beau essayer de se raisonner, soit en relativisant ou soit en exposant des arguments concrets, mais il n'y avait rien à faire, sa peur avait pris le dessus. Il était inutile d'insister trop fort pour le moment, elle le ferait plus tard.

N'ayant absolument pas la force de rentrer par les transports en commun à cause du décalage horaire qui pesait lourdement sur son état de fatigue, la jeune femme trouva rapidement un taxi et s'y engouffra.

- Vous venez à Tokyo pour la première fois ? questionna le conducteur d'un ton aimable en anglais.

Il la prenait pour une touriste, mais elle ne pouvait pas lui en vouloir. Il ne pouvait pas savoir que, malgré son apparence typée caucasienne, elle avait vécu pratiquement toute sa vie au Japon.

- Non, je vis ici depuis l'âge de 5 ans, répondit-elle en japonais.

L'homme s'excusa promptement à plusieurs reprises du malentendu et elle ne chercha pas à répondre par une quelconque politesse de bienséance pour le rassurer. Le silence s'imposa dans l'habitacle, transformant l'atmosphère joviale en quelque chose de plus tendu, à l'image de son humeur.

Elle reposa sa tête en arrière sur le coussin de la banquette quand elle sentit le véhicule s'insérer dans la circulation. Ses yeux regardaient par la fenêtre sans vraiment prêter attention à ce qu'elle voyait. Son esprit était accaparé à faire le point sur son deuil et tout ce qu'elle avait fait depuis cette nuit-là.