21 - Les liens inattendus du destin

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Média : Yuna, fait par moi-même.



Yuna referma doucement son carnet et rangea son stylo dans la poche de sa blouse blanche, l'unique uniforme la distinguant en tant que médecin au sein du personnel pénitentiaire. Elle leva un regard empreint de douceur, dépourvu de jugement et de toute forme de pitié, en direction du détenu assis en face d'elle.

- On applique le nouveau dosage dès demain, et on se revoit dans deux semaines pour voir si cela convient mieux ou si on doit réajuster le traitement.

Le prisonnier portait des chaînes, enserrant ses poignets et ses chevilles. Elles émettaient des cliquetis en discontinu dû au mouvement incontrôlable et nerveux de sa jambe. L'homme se gratta la tête, fit une grimace, puis soutint le regard de la jeune femme.

- Bien, madame... répondit-il.

Une table les séparait, et bien qu'il bénéficiait d'une certaine liberté de mouvement, il ne pouvait néanmoins pas l'atteindre, même si l'envie de lui sauter dessus le prenait subitement. Yuna appuya sur un bouton dissimulé sous la table pour signaler la fin de son entretien. Cette pièce, à l'ambiance anxiogène et peu confortable, ne servait que lors de rencontres avec de nouveaux détenus ou lorsque des mesures de sécurité étaient nécessaires. Dans ce cas précis, il s'agissait de la seconde option : l'instabilité mentale actuelle du patient ne remplissait pas les critères pour le recevoir dans la salle habituelle, adjacente à son bureau, où les détenus se sentaient plus à l'aise, pouvant s'allonger ou s'asseoir confortablement sur le canapé.

Le bruit désagréable du système de sécurité, annonçant l'ouverture de la porte, retentit quelques secondes avant que deux surveillants ne rentrent. Ils détachèrent ses chaînes de la chaise fixée au sol, avant de réduire drastiquement la maigre liberté octroyée pendant cet entretien et de le déplacer. Deux autres surveillants attendaient à l'extérieur pour le reconduire en toute sécurité jusqu'à sa cellule.

- À bientôt, Soul.

Un tic nerveux secoua la tête du détenu lorsqu'il passa devant la brune qui se tenait à une certaine distance, comme le protocole l'exigeait.

- À bientôt, doc.

Yuna sortit quelques instants après, puis se dirigea vers son bureau, situé non loin dans cette partie plus sécurisée de l'aile de l'unité médicale. Elle s'installa à son bureau et déposa son carnet avant de consulter son ordinateur. Plusieurs e-mails étaient arrivés dans sa messagerie professionnelle durant sa consultation, comprenant des rapports médicaux, des informations de service, la date de la prochaine réunion hebdomadaire du personnel, ainsi que, nouveauté depuis ce lundi, des messages de plusieurs journalistes et confrères.

Elle soupira, peu encline à s'occuper de cela maintenant. Heureusement pour elle, un coup d'œil à l'heure lui offrit une excuse parfaite pour procrastiner. Cependant, cela ne pouvait s'appliquer à la rédaction de son dernier entretien de la journée qu'elle devait consigner dans son rapport avant de clôturer son service, ainsi que transmettre le nouveau dosage de son patient au reste du personnel médical. Elle expira une nouvelle fois et s'exécuta à la tâche.

La brune avait consacré une grande partie de sa journée à répondre aux commentaires et aux appels, suscités par la parution de l'article qu'elle avait elle-même rédigé et envoyé à un magazine psycho réputé il y a quelques semaines. Il décrivait l'étude menée sur son travail, ainsi que son projet novateur visant à fournir une aide psychologique aux détenus de cette prison à haute sécurité. Il s'agissait effectivement d'une initiative assez exceptionnelle dans le milieu carcéral japonais, bien que cela soit beaucoup plus démocratisé dans d'autres pays occidentaux. C'était le sujet de sa thèse qui lui avait permis de décrocher son doctorat, son projet de carrière, et il commençait enfin à être mis en lumière. Elle aurait dû être comblée de fierté et de satisfaction de voir les fruits de son travail couvert d'éloges, mettant en avant les résultats positifs. Et pourtant, la joie n'était pas au rendez-vous. Ce sentiment avait été étouffé par tous ses traumatismes subis à cause du Bonten, surtout après ce week-end infernal. Sanzu et Daiki avaient réduit à néant sa capacité à éprouver des sentiments positifs. Le destin se jouait d'elle et la narguait en lui accordant cette reconnaissance professionnelle maintenant. Le début de la concrétisation de ses efforts, de ce qu'elle avait entrepris par rêve et par conviction, alors qu'elle était prise au piège dans les filets d'une organisation criminelle, et qu'elle était sur le point de perdre la raison. Cette victoire avait un goût amer et elle n'arrivait tout simplement pas à s'en réjouir. Elle aurait aimé que cet article ne soit pas publié, pas alors qu'elle n'était plus autant investie dans son travail dernièrement...

Au cœur des ténèbres (Sanzu x OC x Mikey)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant