Chapitre 3

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 Je crois bien que je n'avais jamais raté un seul jour d'école depuis le début de ma scolarité. Je suis donc la première étonnée quand, en ce jeudi de semaine scolaire, je ne prends pas le chemin de mon lycée comme tous les matins, mais celui inverse, menant au centre médical.

Hier soir, j'ai passé ma soirée au téléphone avec Alexandra. Elle a eu du mal à me croire au début : je la comprends, j'avais du mal à me croire moi-même. Mais je ne suis pas assez inventive pour donner autant de faux détails.

Mes paupières sont donc un peu lourdes de sommeil. L'air de la ville est lourd ce matin. Je n'aurais pas dû mettre de veste.

Je dois prendre l'omnibus, car le centre médical est assez éloigné du centre de la ville. L'arrêt est à quelques rues de chez moi. J'arrive assez tôt. Pour patienter, je mets mes écouteurs intra auriculaire et lance la musique de l'IA 4000. Les pulsations résonnent dans mes oreilles. Absorbée dans mes pensées, je ne remarque l'arrivée du bus que quand il est juste devant moi. C'est un long véhicule blanc, qui roule silencieusement dans la ville à peine éveillée, flottant presque sur le bitume sans bosse. A l'intérieur, une borne reconnaît mon identité avec le détecteur d'empreinte palmaire sur lequel je pose la paume de ma main.

« Bienvenu à bord Clarisse Martin. Nous vous souhaitons un bon trajet » dit la voix automatique de l'automate.

Je m'installe au fond, sur les sièges bleus clairs rembourrés. J'appuie ma tête contre la double vitre, la voix synthétique de l'IA 4000 toujours dans les oreilles.

« Prochain arrêt : centre médical »

Je sursaute. Je m'étais presque endormie, bercée par le mouvement fluide du bus. Je remets bien la lanière de mon sac sur mon épaule et me prépare à sortir du bus. Les portes du bus s'ouvrent, invitant les voyageurs à descendre.

Une fois dans le centre médical, l'atmosphère change du tout au tout. Des personnes se pressent dans toutes les directions, certaines doivent avoir des rendez vous urgents, d'autres attendent patiemment leur tour, assises sur des chaises en plastique blanc. Les bruits des conversations, des pas précipités et des appareils médicaux se mélangent dans une cacophonie caractéristique de cet endroit.

Je repère la borne de réception et m'y dirige d'un pas mal assuré. Je ne me sens pas à ma place dans cet endroit trop lumineux et propre. La borne s'allume quand j'arrive à quelques centimètres de l'écran. Je pose ma paume, comme dans le bus.

« Bienvenu au centre médical. Votre rendez vous est à 11 heures 30. Il vous reste dix minutes d'attente. Vous pouvez vous diriger dans la salle d'attente au premier étage à droite ».

Je longe les couloirs en linoléums, avec des portes numérotés sur chaque côté. Je croise des infirmières en blouse blanche avec des masques chirurgicaux sur le visage. Elles me saluent de la tête, ne portant guère plus d'attention à ma présence.

Dans la salle d'attente, je m'installe sur l'un des sièges. Je cherche quelque chose à faire pour patienter et faire passer ces dix minutes plus vite, voguant sur mon téléphone sans réel but.

Finalement, mon nom est prononcé à l'interphone. Je me lève et marche jusqu'à la porte qui arbore le numéro annoncé par la voix du robot.

Dans la salle, une jeune médecin est éclairée par la lumière bleue de l'écran géant devant elle. Sa souris bouge à toute vitesse. Je l'imagine jongler entre plusieurs dossiers.

— Bonjour Clarisse. Je dois juste finir de noter quelque chose concernant mon client précédent et je suis à toi.

— Pas de souci.

L'arche des destinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant