Chapitre 5

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 Pendant une semaine, je n'ai pas eu de nouvelles. Si mes parents ou Alexandra ne me le rappelaient pas, j'aurai presque penser avoir imaginé la visite du gouvernement et les épreuves. Pourtant, chaque jour, je scrute l'actualité, pour voir si un journalise ne laisserait pas échapper un mot sur un projet de l'Institut de Recherche de la Biodiversité. Mais le journal télévisé n'a pas arrêté de ressasser autour des avancées technologiques de la société Appie et le mariage à venir d'une star des réseaux sociaux.

Mes ongles ont rétrécis à vue d'oeil, rongés par mon impatiente.

Nous sommes jeudi après-midi. Je suis à mon cours de langue ancienne, quand mon téléphone vibre. Mince, j'ai oublié de le mettre en silencieux. Je regarde discrètement l'écran. Ma mère a tenté de m'appeler. J'enlève le son de mon portable, regardant dans la direction du professeur, mais ce dernier est absorbé par le mot latin qu'il est en train de décomposer au tableau.

Mon coeur s'accélère. Si ma mère me contacte en plein cours, c'est forcément quelque chose d'important. Comme des nouvelles du gouvernement.

« Coucou, c'est urgent ? » je lui envoie rapidement avant de ranger mon téléphone dans ma poche.

Alexandra me regarde avec interrogation. C'est vrai que d'habitude, c'est plutôt elle qui ait distraite par son téléphone, et moi concentré sur le cours.

— Ma mère a cherché à m'appeler, je lui dis en chuchotant.

— Tu as des nouvelles de l'Institut ? elle me demande

— Aucune idée. Elle ne m'a pas laissé de message.

Nous coupons court à notre conversation, car le professeur se retourne vers la classe.

— Je vous laisse maintenant répondre au questionnaire de fin de classe sur vos tablettes.

Je grommelle. Il y a forcément un test le jour où je suis la moins concentrée. Mes yeux parcours vite fait le tableau avant qu'il n'efface ce qu'il vient d'inscrire, afin de retenir le maximum d'informations possibles. En ce moment, nous travaillons sur la mythologie romaine.

En sortant du cours, la première chose que je fais est bien sûr de consulter mon téléphone pour voir la réponse de ma mère.

« J'ai reçu une notification comme quoi un courrier important est arrivé dans la boîte postale ».

« Ok. Je rentre vite et je te tiens au courant ».

« Je serai là à 18 heures. Ton père rentre à 17h30 ».

« Pas de souci, à ce soir ».

Nous prenons un café avant de partir. Alexandra clique sur son favori, le cappucino aux noisettes, tandis que j'opte pour un café sans lait en poudre, car je ne digère pas le lactose.

— On rentre en bus ou à pied ?

Il fait beau dehors, le soleil perce à travers la couche de nuage. J'ai une envie de marcher et de discuter.

— A pied.

Nous buvons nos cafés avant de sortir de l'école, car après, avec nos masques, nous ne pouvons rien consommer dehors.

— Je peux venir squatter chez toi ? elle me demande. Je n'ai plus rien à manger chez moi.

— Volontiers. Ma mère a acheté des préparations à gâteau, on peut se faire un moelleux chocolat si tu veux.

Elle se tape dans les mains.

— Tu n'aurais pas pu me faire plus plaisir !

Arrivées chez moi, Alexandra part préchauffer le four, tandis que j'ouvre la boîte aux lettres accrochée à notre porte. Une grosse enveloppe en papier kraft était penchée de travers pour rentrer dans l'étroit espace. Je m'installe à la table pour en déchirer le bout et sortir une liasse de papier.

Alexandra ouvre devant moi le paquet qui contient la poudre cacaoté, qu'il suffit de mélanger avec de l'eau bouillante, avant d'enfourner la pâte qui va se former. Elle verse le tout dans un grand moule, tandis que je lui lis à haute voix :

— Chère Clarisse Martin,

Nous avons l'honneur de vous annoncer que vous avez été sélectionnée pour faire partie du nouveau projet de l'Institut de Recherche en Biodiversité.

Il est donc temps de vous parler un peu plus du projet. Cette nouvelle expérience porte le nom de l'Arche 2.0. C'est une initiative ambitieuse de collecte d'espèces animales et végétales et de suivi de leur prospérité.

Au sein de l'Arche 2.0 vous disposerez d'un environnement sûr et équipé des dernières technologies, pour vous permettre de mener vos recherches de la manière la plus facilitée possible.

Nous comptons sur votre collaboration avec les autres sélectionnés, afin de mener à bien votre mission.

Vous trouverez ci-joint un contrat à signer et à nous renvoyer par scan, un plan du navire, et des consignes pour votre arrivée sur le bateau.

En vous assurant de l'expression de mes salutations distinguées,

Anastasia Capelliri, secrétaire au gouvernement »

— Fais voir la tête du bateau, demande Alexandra en passant derrière moi.

Je tire la seconde feuille de la liasse et nous y découvrons un plan détaillé de la fameuse Arche. Je détaille des yeux les multiples étages. Dix, en tout. Si on ne compte pas les étranges carrés bleus schématiques qui sont au-dessus. Je regarde la légende. D'après elle, il s'agit de serres. Les trois étages du dessous sont légendés par le mot « Ecosystèmes et simulation ». Puis, deux étages consacrés aux archives. Le laboratoire. Une salle informatique et une centrale. Et une réserve qui s'étale sur les deux niveaux les plus bas.

— Hé ben. On pourrait s'y perdre déjà rien que sur le dessin, siffle Alexandra.

Elle retourne à sa tâche et enfourne le gâteau.

— Oui, je dis en me rendant alors compte que je m'embarque dans une aventure totalement inconnue et presque loufoque.

Moi sur un bateau ? Avec une équipe de scientifiques ?

Mon père rentre au moment où je finis de lire les instructions.

— Devine quoi ? je lui dis en le prenant dans mes bras. Je suis sélectionnée !

Il lit attentivement le courrier que j'ai reçu.

— Un bateau ?

Je lui montre le plan.

— Donc, il y a des animaux dans un bateau ?

— Oui, je suppose.

J'ai vite feuilleté le plan. Il faudrait que je relise tout en détail pour mieux comprendre toute la dimension du projet.

— Qu'est ce qui sent aussi bon ? demande mon père en mettant son manteau sur le portant.

— Alexandra est en train de faire un moelleux...

— Que j'ai complètement oublié dans le four, dit-elle avant d'aller éteindre le four en urgence.

Elle sort le gâteau du four. Il est bien gonflé, presque aérien.

Nous allumons la télévision en attendant l'arrivée de ma mère. Mais je n'arrive pas à me concentrer sur l'écran. Je serre entre mes doigts la feuille de papier qui indique mon intégration dans l'Institut. Mon coeur ne veut pas se calmer. Car à chaque fois qu'il se relâche, il est relancé par la pensée folle de l'aventure que je vais bientôt vivre.  

L'arche des destinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant