Chapitre 27

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Les radars du bateau nous indiquent que le navire qui fonce sur nous est d'une corpulence à peine plus petite que l'Arche. Avec l'aide des caméras extérieures, nous arrivons à en savoir un peu plus. Le navire est un porte contener remplie. Normalement, ce genre de bateaux sont en pilotage automatique, et vont d'un port à l'autre en ayant juste besoin d'un petit équipage pour surveiller le navire.

Plus le navire approche, et plus je sens l'angoisse monter. Des murmures d'inquiétude et de spéculations commencent à se faire entendre parmi nous. Certains se demandent pourquoi le porte-conteneurs se dirige droit vers nous, d'autres émettent des hypothèses sur la possibilité d'une défaillance du système de pilotage automatique. Mais la question qui domine toutes les autres est celle de la présence éventuelle de personnes à bord.

- Qu'est ce qu'on fait ? Demande Jade sur le ton de l'inquiétude.

- Pour l'instant, ce n'est pas comme si on pouvait faire grand chose, dit Taïs. Continuons juste de surveiller le bateau.

Nous nous passons le relais pour que quelqu'un ait toujours au moins un œil sur la trajectoire du porte contener.

Quand c'est à mon tour de jouer à la surveillante d'images, je scrute les bords du navire, brouillés par la pluie, pour distinguer une forme humaine. Mais rien.

Et puis, alors que le navire est à moins de deux kilomètres, Jade déboule dans la salle informatique.

- Tu avais raison Clarisse, il y a vraiment des personnes dans ce bateau.

- Quoi ? Comment le sais tu ?

- Ils nous ont contacté avec un signal.

Elle me montre une feuille avec plusieurs points et traits.

- C'est un ancien signal par onde que se transmettait les navires. Un de mes ordinateurs que j'utilise pour les satellites a capté le signal et j'ai réussi à le décoder.

-Et qu'est ce qu'ils veulent ? S'impatiente Taïs.

- Ils disent qu'ils n'ont pas pu rejoindre un port car les ports sont tous submergés, et qu'ils sont en manque de nourriture. Ils demandent notre aide.

Alors que je m’exclame :
- Aidons les !

Noé dit au même moment :

- Hors de question.

Je croise son regard avec une grimace.

- Comment ça "pas question" ?

- Vous vous souvenez, il ne faut pas mettre en péril la mission.

- Donc on va laisser des gens mourir de faim pour perpétuer l'œuvre de scientifiques sans cœur ?

Je regarde les autres membres du groupe pour voir leur opinion.

Et je vois que même parmi nous, nous sommes partagés.

- On est pas obligé de les ramener dans le bateau, je tente. Juste, on peut leur envoyer de la nourriture.

- Tu connais la nature humaine ? Me dit Noé. Plus tu leur en donnes, plus ils en veulent. Ils sont peut-être violents ou dangereux.

-Ce n'est pas parce que tes parents étaient violents que l'humanité entière l'est, je m'agace.

Et voilà. Je le sens. Que je n'aurais jamais du dire ça. J'en perds complètement les mots, et je suis incapable de rajouter une phrase de plus, car je le vois dans son regard, que je suis allée trop loin et que quelque chose entre nous s'est cassé à l'instant même où j'ai mentionné ses parents.

Les têtes des autres font des va et viens, comme si nous étions dans une partie de tennis.

- Faites comme vous voulez, finit par dire Noé. Mais je vous aurais prévenu.

C'est dur de ne pas lui courir après et de simplement le laisser partir. Mais quelque chose de plus important m'attend. Je dois convaincre mes amis de porter secours aux personnes du bateau.

- Donc quoi ? On leur envoie un canoë remplit de nourriture ? Juste ça ? Demande Logan.

- Tu as une meilleure idée ?

- On a deux objectifs, nous rappelle Élodie. De un, qu'ils puissent récupérer la nourriture. Et de deux, qu'ils laissent ensuite notre bateau tranquille et passent leur chemin.

- Les deux sont hypothétiquement réalisables, soupire Logan.

- Mais pas impossible.

Je reste positive quant à ma volonté de les aider. Qui sait, il y a peut-être des familles, des enfants.

Je continue d'entasser des réserves dans le canoë flottant.

- Hé, doucement, me dit Élodie. N'oublie pas que nous aussi on doit se nourrir, et qu'on ne sait pas encore combien de temps on reste.

- Le bateau est à moins d'un kilomètre, prévient Logan en consultant sa montre.

Jade est restée en haut. Elle essaye d'envoyer un message diplomatique au porte contener.

— Dès qu'elle nous donne le signal, on jette le canoë à la mer, nous prévient Logan.

Je recouvre les réserves de la toile imperméable, que je fixe aux bords du canoës. Je me prépare à allumer son moteur. Le but étant qu'il aille tout droit jusqu'au bateau, et que les membres du bateau l'aperçoivent de loin et le réceptionnent.

Élodie se met près de la porte coulissante pour l'activer quand nous décidons de lancer le canoë.

— Prête ? je lui demande quand Jade nous informe que le porte contener est dans notre ligne de tir.

Le moteur de la barque la propulse dans l'océan. Elle fend les vagues, secouée par la pluie, mais sa vitesse lui permet de rester à la surface. Par l'ouverture, je vois des silhouettes se pencher sur le pont inférieur du porte contener. Mais comme l'eau commence à s'infiltrer par l'ouverture de la coque du navire, nous sommes obligée de nous couper de la vue directe sur l'extérieur et refermons l'ouverture.

Nous remontons dans la salle informatique et nous installons derrière Jade, pour observer les points sur les radars, qui représentent notre Arche et le cargo d'en face.

Mais sa direction ne change pas. Il se rapproche dangereusement.

— Peut-être qu'il va juste passer à côté et continuer en sens inverse. Ils ont récupéré la nourriture, ils savent qu'on est pacifiques.

— Ils ne me répondent pas, dit Jade en frappant sur son clavier.

Un son strident répond à son geste brusque.

— La distance entre les deux navires est trop petite maintenant. Il va falloir réfléchir à un second temps.

Elle pianote sur son ordinateur, avant de se tourner vers nous.

— On va devoir verrouiller toutes les portes du navire. Et se préparer au pire.

L'arche des destinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant