Chapitre 12

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 Je monte jusqu'au ponton supérieur. Une fois dehors, je le cherche des yeux. Il est là, accoudé au bastingage. Le vent marin secoue ses cheveux blonds. Les vagues se jettent contre le bateau, créant une illusion de mouvement. Je m'imagine comment ça sera, quand le bateau quittera enfin le quai, et que nous ne serons plus qu'entouré par cette étendue bleue, sans terre en vue.

— Noé ?

Il se retourne, surpris de ma présence.

— Qu'est ce que tu fais là ?

— Elodie a fait une tarte aux fruits rouges. On se disait que tu en voulais peut-être une part.

Il regarde la part comme si c'était du poison apporté sur un plateau.

— Tu pouvais la laisser dans la cuisine. Pas besoin de monter jusqu'ici.

— Une seconde de plus dans la cuisine, et Taïs l'aurait déjà englouti, je tente de plaisanter.

Mais je n'arrive même pas à arracher un sourire à son visage.

— Bon maintenant que tu es là, passe moi l'assiette.

Je la lui tends, restant à une distance respectueuse. J'ai l'impression qu'il n'aime pas qu'on l'envahisse.

— C'est une part énorme. Elodie veut nous engrosser ou quoi ?

Il se prend la moitié et me redonne l'assiette.

— Tiens, tu peux te garder la moitié.

— J'ai déjà une part qui m'attend.

— Qu'est ce qui te garantie que ta part sera toujours intacte quand tu y retourneras ? C'est toi même qui l'a dit, on ne peut pas laisser quoi que ce soit de mangeable devant Taïs.

Je le remercie et croque dans un bout de la pâte sucrée. Elle s'effrite délicatement en bouche. Les fruits sont acides.

Nous dégustons nos parts en silence. J'essaye de ne pas trop le regarder, et de me concentrer sur la lune, qui pointe derrière un nuage. Le ciel est magnifique, perlé d'étoiles naissantes. Mais bientôt, je remarque qu'il se gratte frénétiquement l'arrière du bras. En y regardant de plus près, je vois que cette partie de son corps est rouge et gonflée.

— Qu'est ce qui t'est arrivé ? Je demande.

— C'est rien. Je me suis fait piquer par une abeille.

— Des abeilles ? Il y en avait où ?

— J'ai travaillé aux serres cette après-midi, dans la partie où l'on est en train d'installer des ruches. Je n'ai pas été assez prudent, c'est tout.

Il montre à son intonation qu'il ne souhaite pas que la conversation s'éternise.

Je finis ma part, et m'apprête à partir, quand je me souviens du petit pot de pommade que j'ai dans ma sacoche. Je pose mon assiette sur le rebord, et fouille dans mon sac. C'est vraiment le bazar là dedans ! Mes doigts percutent des stylos, une loupe, mes jumelles, mon téléphone, une gourde, avant enfin de tomber sur le couvercle rond du baume. Je le sors victorieuse, et un peu trop précipitamment, parce que ma main frappe de plein fouet l'assiette, qui tombe dans l'océan.

— Mince, je m'exclame en regardant par dessus bord.

Je lance un coup d'oeil à Noé, qui me regarde, impassible.

— Tu es vraiment un danger public, dit-il en soupirant. Si tu voulais nourrir les poissons, il fallait jeter autre chose que ton assiette.

Je ne relève pas.

— Tiens, c'est une pommade contre les piqûres.

Il inspecte le pot d'un œil soupçonneux.

— Où as tu trouvé ça ?

— Dans la boîte à pharmacie. Je m'en étais servie contre ma brûlure.

Je lui montre mon poignet. Mais la marque a complètement disparu de ma main, si bien que je parais un peu folle à secouer comme ça mon bras devant son nez.

— Tu en as toujours besoin ?

— Non, vas y utilise le.

Il renifle le contenu.

— Ca sent pas bon. Je verrais...

Je rentre aux quartiers.

— Alors il a aimé ? Demande Elodie quand je viens leur souhaiter à tous une bonne soirée.

— Hum, il n'a pas vraiment fait de commentaires.

Je jette un coup d'oeil à la télévision. Un homme aux habits gris et au chapeau pointu est en train de pointer un long bâton face à une horde de monstre aux visages déformés.

— Bonne soirée alors !

Alors que je passe dans le couloir, Logan sort de la salle de bain. Une vapeur humide s'échappe de la pièce avec lui.

— Tu as transformé la salle de bain en sauna ?

Il rigole.

— Après toi, dit-il en m'ouvrant la porte de notre chambre.

La journée m'a complètement éreintée. Je mets à peine quelques secondes à m'endormir.

Le lendemain matin, je sais d'avance que je suis encore la première à m'être réveillée, au vu du silence qui règne. Je prends mon temps pour consulter mon emploi du temps du jour. Je serai aux laboratoires toute la journée.

Je pensais être la plus matinale de tous, mais en fait, je me trompe. Car quand j'ouvre la porte, le battant percute un petit objet au sol. C'est le pot de crème que j'ai passé hier à Noé. Je l'ouvre. L'odeur désagréable sort immédiatement du contenant pour venir chatouiller mes narines. Le pot est à moitié vide. Et collé sur le couvercle, un petit mot écrit à la main. « Merci ». 

L'arche des destinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant