24 > Choc culturel invisible.

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Dans la peau de Méhdna.

J'étais au salon, entrain de faire les mille pas, en réfléchissant, enfin plutôt en stressant..

- Mais arrête de passer devant la télé j'arrive pas à jouer Méhdna !
- Attends que j'balance à ta mère que tu joues à la play au lieu de m'aider on verra si tu fais toujours le malin Sabri !
- Bah vas-y attends que j'dise à la tienne que tu me menace de me faire dormir au salon des fois !
- Pfff tu crois qu'elle va faire quoi ? C'est chez moi !
- *rires* Vas-y j'ai même plus envie de jouer c'est bon
- *rires* Aide moi à trouver un truc je deviens folle
- T'as qu'à faire quiche salade !
- Sabri ?
- Non mais c'est tout je rejoue là
- Je t'aime
- Je mets pause tu me fais un bisou ?

J'étais censé chercher un plat à faire pour ce soir parce que je recevait mes parents et ceux de Sabri à dîner. Ça avait un peu dérapé, on avait finit par se câliner malgré que je stressais, enfin que j'avais peur plutôt.

Rien de plus angoissant que de mettre en relation deux familles qui ne se connaissent pas, surtout quand on sait que Kader est dedans. Avec les gens mon père ça a toujours été soit blanc soit noir, soit il aimait soit il aimait pas, y'avait pas de nuances, c'est pas Grey mon père. La mauvaise entente était tout ce qu'on cherchait à éviter Sabri et moi, c'est pour ça fallait que tout soit parfait. Enfin.. A la perfection près.

A vingt heure moins cinq tout était prêt, la table était mise, on était habillé, le ménage était fait, j'avais plus qu'à attendre mes invités. Et jamais le temps ne m'avait paru aussi long.. Je remettais en ordre ce qui était déjà en ordre, sûrement pour ne pas rester sans rien faire..

DING DONG.

C'était nos parents qui étaient là devant la porte.. J'avais déjà pu entendre quelques rires, c'était déjà bon signe..

La soirée se déroulait dans la joie et la bonne humeur. J'avais fini de débarrasser la table et j'observais tout ce petit peuple dans l'encadrement de la porte, tout le monde parlait avec tout le monde, ma mère discutait de tout et de rien avec la mère de Sabri, il y avait une parfaite harmonie on aurait jamais dit que nos classes sociales étaient différentes..
Ce petit peuple que j'aimais tant, pour qui j'aurai donné corps et âme, ce petit peuple qui n'était autre que mes parents, mes beaux-parents et l'homme que j'aime. En les voyant je repense aux années où je me lamentait d'être seule, où je me plaignait de ma solitude, de me sentir abandonnée.. Et bien je peux dire que ce jour là j'étais fière de dire que tout ça était bien loin..
J'avais mes parents, adoptifs certes, mais j'avais grandis avec eux, ils m'avaient élevé, m'avaient tout appris, et ma vie était certainement mieux à leur côté que si j'étais resté au Liban. Sans oublier que j'ai rencontré l'amour, Sabri, mon amour, mon Sabri, et que ses parents me voient comme une des leur. Qu'avais-je à plaindre ? J'avais tout à présent, absolument tout, mais il me manquait encore quelque chose au plus profond de moi : connaître mon histoire.

Point de vu extérieur. > Lost in disaster.

Les jours ne cessaient de passer et l'idée de retourner au Liban "connaître son histoire" ne quittait pas la tête de notre belle qui trouvait qu'il était temps de l'avouer à son magnifique compagnon..

- Chou tu dors ?
- Nan, qu'est ce qu'il y a ?
- Ça te dit un voyage ?
- Bah faut que j'pose des vacances, tu veux aller où ?
- Au Liban
- *rires* Allez arrête bébé
- J'suis sérieuse Sabri..
- J'croyais que tu voulais plus en entendre parler ?
- C'est vrai.. Mais.. J'ai besoin de savoir d'où je viens, tu comprends ?
- T'en a parlé à tes parents ?
- J'sais pas trop comment leur dire.. J'sais pas s'ils vont mal le prendre ou quoi..
- T'as pas vingt mille solutions Méhdna..
- Hm.. Je sais.. Fait moi un bisou.
- *sourire* Que un ?
- *rires* Aargh embrasse moi grand fou !

Même si ce bisou avait dérapé en scène interdite aux jeunes esprits, aller dans son pays natal la préoccupait toujours autant. Ses parents étaient enterrés au sein de cette terre, il fallait qu'elle y aille, ne serait-ce que pour se renseigner sur eux.. Encore une fois, je ne savais pas si c'était une si bonne idée que ça..

Beyrouth c'est pas la Californie, Beyrouth c'est.. C'est une ville constamment sous tension.. C'était une ville qui autrefois appelait au secours, qui hurlait à l'aide d'un cri sourd que personne n'entendait. C'est une ville massacrée, ou le sang a d'autant plus coulé que l'eau mais que tout le monde a laissé aux oubliettes..
Méhdna était née en période de guerre civile, l'abominable et sanglante guerre civile du Liban.. Voilà pourquoi au lieu d'avoir grandi là-bas elle avait grandi ici, sur les terres de Marianne, elle avait certes grandi loin des siens, mais c'était un mal pour un bien. En l'envoyant sur l'hexagone ses parents lui avaient évité de connaître le bruit des bombardements, la pauvreté, la pression militaire, l'angoisse, l'odeur de la mort..

En l'envoyant ici ils lui avaient épargné leur invivable quotidien.

Il est évident qu'on ne peut ni tout avoir, ni tout savoir, et après mûre réflexion elle abandonna son envie d'excursion. En réalité elle avait peur de gâcher son bonheur, peur de retourner sur ses traces et d'y ressasser des souvenirs plus horribles les uns que les autres..

Sur ce coup, oui, en effet, le courage l'avait fuit et sûrement pour la bonne cause.

Aussi loin que nous emportera le vent.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant