Chapitre 20

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Madame Corbière ne décolère pas depuis une demi-heure. La responsable de l'association des parents d'élève qui lui fait face essaie de rester digne mais ce n'est pas simple. La proviseure la fusille littéralement du regard.

Si le budget dont il est question ce matin ne relève pas de la responsabilité du collège, il n'en reste pas moins que le personnel de notre établissement s'est fortement investi ces derniers mois pour compenser le désinvestissement d'un nombre conséquent de parents d'élèves. Un petit groupe de mères, dont la responsable de l'association, n'en fait qu'à sa tête et utilise le budget dont elle dispose à des fins plutôt inutiles ou en tout cas n'allant pas dans le sens de ce que souhaitent les autres parents.

Elles font les caïds au sein de leur groupe mais bizarrement devant le regard perçant de la proviseure, elles font moins les malignes.

Quand j'observe le respect que leur inspire ma supérieure, mon admiration est à son maximum. Elle est exactement le genre de personne que j'aspire à devenir. Une femme forte qui ne se laisse pas marcher sur les pieds.

- Et on dit quoi aux élèves pour la fête d'Halloween que vous annoncez en fanfare depuis la rentrée ? On leur explique qu'ils n'auront rien parce que vous avez préféré acheter des lots de jouets inutiles ?

- Ce n'est pas inutile, c'est pour  le marché de Noël  ! Les promotions ne seront pas les mêmes en fin d'année, enfin !

La brune manucurée à la peau presque tannée à force de passer trop d'heure au soleil semble reprendre du poil de la bête. Elle croise les bras et garde le menton levé, signe de sa nouvelle assurance. Elle pense avoir trouvé un argument imparable. Pauvre d'elle...

- Pour le marché de Noël ? Des jouets ? Vous êtes complètement à côté de la plaque...

- Je vous rappelle que j'ai dirigé la même association pendant les 5 dernières années, je sais de quoi je parle !

- En primaire, Valérie ! Vous êtes au collège là ! Et si vous continuez à offrir des bâtons lumineux à vos enfants en pleine adolescence, grand bien vous fasse mais je peux vous assurer que vous allez faire un flop ici.

La proviseure se rassoit à son bureau et fourrage sa tête entre ses mains, signe évident de son désespoir.

Je me racle la gorge pour manifester mon envie d'intervenir.

- Oui Amandine ? demande ma supérieure en relevant à peine son visage vers moi.

- Je voulais juste proposer quelques solutions envisageables... ou pas, enfin à vous de me dire.

Valérie se tourne vers moi et me jette un œil méprisant. Ce ne serait pas pour les enfants, je me tairais et la laisserais gérer sa merde. Mais bon...

- Tout n'est pas perdu pour les jouets, on pourrait justement les revendre aux parents qui s'occupent des animations en primaire.

Madame Corbière opine du chef, m'incitant à poursuivre.

- Ensuite, pour tout ce qui est buffet à prévoir, je pense que du côté de la boulangerie que j'ai vu il y a quelques semaines, c'est toujours bon. Elle acceptait de vendre ses viennoiseries et pâtisseries à un prix vraiment faible.

- Tout le monde ne veut pas des croissants à 18h, lâche l'autre peau de vache de Valérie en secouant la tête.

Deux options s'offrent à moi en ce moment même : lui cracher au visage ou l'ignorer. Je préfère largement la première mais... pour le bien-être de ma carrière, je choisis la seconde.

- Ma sœur est chef, si je lui demande, elle pourra nous aider pour une somme modeste.

Je m'avance clairement mais quand j'aperçois le regard plein de considération de ma supérieure, je me dis que ça valait le coup de bluffer. La bonne élève qui sommeille en moi est on ne peut plus fière.

Impensable !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant