Chapitre 27 - Arthur

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- Tu devrais la rappeler !

Même en pleine partie de Mario Kart, mon frère, Léo, ne me lâche pas. J'avais oublié à quel point il pouvait être têtu.

- Fous moi la paix, je t'ai déjà dit qu'elle ne m'intéressait pas.

- Tu te l'es bien tapé pourtant non ?

- J'avais juste besoin de me changer les idées.

Putain, il m'énerve tellement que j'en loupe un virage et finit dans le fossé.

- Et bien t'as qu'à continuer à te changer les idées avec elle. C'est quoi le problème ? Elle est canon et elle a l'air sympa non ?

J'ai eu le malheur de lui raconter qu'une fille avec qui j'avais passé la nuit pendant mon voyage en Espagne n'arrêtait pas de me relancer. Grossière erreur !

- Je n'ai pas envie de la revoir, tu peux essayer de comprendre ça ? Elle peut être la fille la plus parfaite au monde que ça n'y changerait rien, c'était juste une histoire d'un soir, j'ai envie d'être seul.

- Je ne comprends pas non : c'est toi qui a quitté Alicia donc tu n'es pas sensé avoir besoin de temps pour remonter la pente.

J'ai envie de lui dire que vu l'état de sa vie amoureuse, il peut se garder ses analyses pour lui mais je préfère taire mes vacheries. La vérité c'est que du haut de ses 20 ans, mon frère n'a jamais eu de chance en amour. Son léger surpoids et son total manque de confiance en lui l'ont toujours empêché de franchir le pas. Même sur les appli de rencontre, il n'arrive pas à passer le cap... 1 heure avant chaque rendez-vous, il annule pour un prétexte bidon. La peur du rejet prend le pas sur tout le reste. Du coup, il essaye de projeter sur moi ce qu'il voudrait être capable de faire.

- Ce n'est pas aussi simple que ça, Léo.

- Tu as sûrement raison. Je ne suis de toute façon pas expert en la matière, hein ?

Il dit ça en s'esclaffant mais son rire n'atteint pas ses iris bleutés. Son absence de vie amoureuse lui pèse de plus en plus, je le vois bien. Et je ne peux que le comprendre.

- Par contre, je te connais toi. Et je sais que tu ne me dis pas tout.

Comment peut-on être aussi perspicace avec les autres et aussi aveugle avec soi-même ?

Je ne réponds pas tout de suite. Je laisse d'abord mes mains habiles mener mon avatar fétiche, Toad, jusqu'à la victoire finale. Ce n'est pas le plus viril je le concède... J'ai toutefois trop d'entraînement pour que mon emmerdeur de petit frère réussisse à me battre, même avec son massif Wario.

Lâchant un "dans ta face" de circonstance, je repose la manette avant de m'emparer de ma bière. Le liquide ambré, au goût amer, me fait plonger dans un élan de confession imprévu.

- J'ai rencontré une autre fille.

Mes mots flottent dans l'air, comme suspendus. Mon frère ne pose pas de question, il attend que je me livre de moi-même. Il a tout d'un fin psychologue, le frangin.

- Elle est exceptionnelle, Léo. Belle, brillante, déterminée, têtue aussi... Enfin bornée plutôt et surtout bourrée de principes plus rigides les uns que les autres.

Parler d'Amandine à voix haute rend pour la première fois concret ce que je ressens pour elle. Tel un drogué, je me dis que le premier pas vers la guérison est d'assumer à voix haute mon addiction.

- Quand je l'ai vue pour la première fois, j'ai cru que mon cœur c'était arrêté de battre. Elle était si... enfin tellement... Pfff, je ne sais même pas comment l'expliquer.

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