Chapitre 26

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- Arrête de t'inquiéter, ma chérie...

Ses cheveux blonds ondulant au gré de la légère brise qui souffle en ce dimanche de novembre, ma grand-mère me regarde comme si le fait que ses résultats d'analyse soient de plus en plus catastrophiques n'était pas si grave.

Pour essayer d'oublier les dernières mauvaises nouvelles en date, je l'ai emmenée prendre un café en bord de mer pour qu'elle profite du ciel bleu éclatant et de la vue des passants qui se promènent. Elle a toujours pris le temps d'apprécier la vie qui l'entoure, de se perdre dans les détails de la vie, à imaginer d'où vient celle-ci, ce que fait dans la vie celui-là... C'est une poète de la vie Mamina, elle voit de la magie dans des éléments anodins.

- J'ai 85 ans, tu sais, alors c'est normal que ma vie soit derrière moi. Je grappille des moments bonus comme en ce moment, avec toi, mais je sais bien sur quel chemin je suis et ce qui m'attend au bout. Ne sois pas triste et rie avec moi plutôt !

Je sais pertinemment que c'est pour ça qu'elle ne voulait rien me dire, pour ne pas que je gâche le temps qu'il nous reste à passer ensemble en ruminant ma tristesse. Depuis que j'ai appris la nouvelle, j'ai passé des heures à essayer de remuer ciel et terre pour trouver quelqu'un capable de me donner ne serait-ce qu'un infime espoir. En vain. Le diagnostique de Mamina est sans appel. Je n'ai pas encore assez de recul pour prendre tout ça avec philosophie, comme elle le fait. J'ai l'impression d'être déjà en deuil alors qu'elle est toujours là.

***

Les jours qui suivent sont pénibles. Je devrais être heureuse de bénéficier des vacances scolaires et de pouvoir faire ce que je veux. Pourtant, je suis piégée dans le carcan de mes prises de tête. Encore plus aujourd'hui, alors que je suis invitée chez mes parents. Même si je suis encore furieuse depuis leur dernière visite au collège, le fond du problème est ailleurs. Je ne sais pas si je dois leur parler de ce qui arrive à Mamina. Cette dernière refuse que je leur en touche le moindre mot mais cela me donne un cas de conscience. Ils ont le droit de savoir. En me taisant, j'ai l'impression de les priver de leur droit de lui dire au revoir. Prise entre deux feux, j'oscille constamment. Jamais sûre de ma décision et changeant donc d'avis d'une minute à l'autre.

- Arrête de te prendre la tête ! m'intime Clément en enfilant sa veste.

- Je ne sais toujours pas quoi faire...

- Ne fais rien dans ce cas !

Oui, vu comme ça... Et sinon les pour, les contre, l'analyse de la situation, on en fait quoi ?

Je grogne une réponse inaudible et m'empare des clés de la voiture, j'ai besoin de me concentrer sur quelque chose et insulter toutes les personnes qui ne respectent pas le code de la route me semble être une très bonne option. Conduire est l'une des rares choses qui me rend vulgaire, sans aucune culpabilité.

En arrivant chez mes parents, mon cœur pèse toujours dans ma poitrine. Quoi qu'il arrive, je ne serai pas satisfaite de ce qui se passera. J'aurais à coup sûr le sentiment d'avoir échoué. J'ai envie de dire à Clément que je ne veux plus y aller et qu'on a qu'à reprendre la voiture sans destination précise. Se laisser porter par le chemin sans réfléchir, ça peut avoir du bon.

Heu... Amandine, tu es sûre que tu te sens bien là ? Se laisser porter par le chemin sans aucune adresse saisie dans ton GPS ? Tu as une double personnalité qui est en train de se développer ?

- Ils sont lààààà ! crie ma mère en ouvrant la porte.

Pourquoi dire bonjour ? Les politesses sont une perte de temps après tout.

- Je vous ai apporté une bouteille de ma cave personnelle, vous m'en direz des nouvelles !

Mon compagnon est comme un coq en pâte. Il adore les repas familiaux. Il faut dire qu'avec une famille aussi soudée que la sienne, les festins dominicaux sont de vrais rituels sacrés et on y passe, je le reconnais, de très bons moments. Ils s'aiment tous tellement que tout est bon pour passer du temps ensemble. Par exemple, tous les ans, ils font une cousinade. C'est-à-dire un week-end dans une maison qu'ils louent spécialement pour se retrouver entre cousins. Pour moi qui n'ai pas un seul cousin, c'est un concept obscure à la base mais au final, ça donne de beaux souvenir et des relations encore plus développées entre membres d'une même famille. Ils ne s'aiment pas tous de façon égale, il y a des inimitiés, des jalousies, comme partout. Mais quand on assiste à ce genre de retrouvaille, on voit qu'ils sont tous liés par un élément central qui surpasse tous le reste : l'amour de la famille.

Impensable !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant