3. Le Destin

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Katt reprit la vie normale d'une enfant de sept ans dans un village de campagne. Les mois passèrent sans heurts. Evidemment, Katt savait qu'il existait quelque part un tyran qui s'appelait Kronnart, elle savait qu'il tyrannisait les gens, levait des impôts exorbitants, faisait fermer des hôpitaux et s'habillait en noir de la tête aux pieds mais pour elle, c'était abstrait. Tout cela se passait dans les grandes villes et les gens des grandes villes venaient rarement dans son village.

Comme tous les enfants, elle préférait jouer plutôt que de se poser des questions. Elle grimpait aux arbres, pataugeait dans la rivière et se construisit une cabane. Un matin, elle trouva sa cabane occupée : des garçons plus âgés qu'elle étaient entrés dedans !

- Sortez ! hurla-t-elle. C'est MA cabane !

- C'est la notre ! répondirent-ils en rigolant. C'est nous qui l'avons trouvée ! Et t'es qu'une fille, tu peux pas nous chasser !

Katt partit, furieuse, réfléchit et revint avec une casserole d'eau brûlante. Elle escalada un arbre et versa le contenu de la casserole sur le toit de la cabane. Les garçons sortirent en hurlant tandis que Katt riait de bon cœur ! Ah, ils l'avaient bien mérité !

Plus tard, quand Katt raconta l'histoire à Tierna, sa jeune voisine, celle-ci resta pensive.

- Moi, j'aurais pas fait ça, fit-elle remarquer. J'aurais plutôt demandé de l'aide aux grands.

- C'est parce que t'es faible et que tu sais pas te défendre ! Moi je suis forte, pas comme les autres filles, nananère !

Tierna haussa les épaules et annonça que tout compte fait, elle n'avait pas envie de jouer avec elle. Katt la regarda partir avec une moue méprisante. Elle ne se demanda même pas pourquoi la plupart des filles ne l'aimaient pas beaucoup.

*

Quelques jours plus tard, Katt alla s'amuser dans les prés. Le soleil brillait, les cigales chantait, c'était vraiment une journée parfaite pour batifoler dans l'herbe. Elle consolida sa cabane et projeta d'en construire une autre, directement dans les arbres. Ah, comme elle s'amusait ! Evidemment, il est peu probable que dans cet univers, une fille de forgeron puisse trouver le temps d'aller jouer dans les prés au lieu d'aider ses parents à la maison. Ça n'a aucun sens, ça veut juste dire que l'auteur est super feignant !

C'est ainsi que Katt passa une très bonne matinée. Cependant, quand elle retourna au village, les maisons étaient en feu et il y avait des cadavres un peu partout.

Le sol s'ouvrit sous ses pieds. Elle pleura. Elle hurla. C'était un cauchemar, elle allait forcément se réveiller ! Elle courut et chercha ses parents partout au milieu des inconnus en armure noire qui massacraient tout le monde. C'était la première fois qu'elle voyait les Cavaliers Sanglants, les sbires de Kronnart, et cette image devait hanter ses cauchemars pendant des années.

Soudain, un des Sanglants l'attrapa par le cou et elle hurla. Elle savait que sa dernière heure était venue.

Et quelqu'un cria :

- Lâche-la, espèce de monstre !

Katt ouvrit les yeux et reconnut Stenvald qui se tenait un peu plus loin, pieds nus, son prédilivre à la main. Les gens s'écartaient sur son passage en voyant son livre. Pas impressionné, le type ricana :

- Ah ouais ? Pourquoi je ferais ça ?

- Elle a un destin !

Il tressaillit et desserra son étreinte. Toujours paralysée, Katt ne bougea pas. Comme dans un rêve, elle entendit Stenvald qui parlait de son prédilivre argenté. Tremblante, Katt finit par se ressaisir, le sortit de sa poche et le tendit au Sanglant, qui nota la couverture argentée, marmonna une excuse et repartit.

Les Sanglants se retirèrent le lendemain, non sans avoir fait clairement comprendre à tout le monde que c'était Kronnart qui les avait envoyés parce que le maire avait triché sur les impôts du village. Katt n'arrêtait pas de pleurer. La maison de son enfance était en cendres et elle n'arrivait pas à croire que ses parents n'étaient plus là. En outre, la moitié des gens qu'elle connaissait étaient décédés. Elle avait survécu parce qu'on lui avait attribué un prédilivre argenté sans lui demander son avis.

Pourquoi elle et pas les autres ? Pourquoi la vie était-elle aussi injuste ?

Le manuel de la farouche guerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant