39. Les flammes

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- Katt !!!

Katt ouvrit les yeux. Elle se trouvait dans son lit, à l'auberge du Doux Foyer, et quelqu'un tambourinait à sa porte. Elle avait rêvé... Encore ensommeillée, elle demanda :

- Qui est là ?

- Avriline ! Tu m'ouvres ?

C'était bien la voix d'Avriline, qui semblait dans tous ses états. Un peu inquiète, Katt se glissa hors du lit et alla ouvrir.

- On est attaqué.e.s ? demanda-t-elle.

- Non. Qu'est-ce que tu fous en chemise de nuit ?!

- Je dormais. En général, c'est ce que je fais en chemise de nuit.

- Habille-toi, vite ! On va rater les flammes !

Les flammes ?! Katt se souvint d'un élément de son rêve. Tout doit brûler. Perplexe, elle attrapa ses vêtements et fit signe à Avril de se tourner contre le mur le temps qu'elle s'habille.

- Je peux savoir ce qui se passe, au moins ? s'enquit-elle. On va tuer quelqu'un ?

- Non ! Il y a déjà eu assez de morts comme ça. Ces derniers temps, on a eu beaucoup d'Assemblées noires, tu comprends ?

- C'est quoi, une Assemblée noire ?

- Une réunion réservée aux personnes qui ont un prédilivre noir.

- Ah ?

- On discute de ce qu'on peut faire pour améliorer le système, tu comprends ?

Katt acquiesça. Elle trouvait ça très bien : si les gens des Assemblées noires pouvaient rendre le monde un peu meilleur, ce serait déjà ça. Encouragée, Avril continua :

- J'espère que tu m'en veut pas de t'en avoir jamais parlé. Enfin, lors de la dernière Assemblée, on a appris un truc génial : il est possible de brûler son propre prédilivre !

- Quoi ?!!

- C'est vrai ! Tout le monde croyait qu'on pouvait se tuer en faisant ça mais en fait, pas du tout ! Ce soir, on va faire une cérémonie du feu en dehors de la ville. On va tous les brûler !

Katt finit de lacer ses chaussures. Elle se sentait assommée à la fois par le rêve qu'elle venait de faire et par l'annonce de cette nouvelle. Le Grand Décideur avait essayé de la piéger dans un rêve et il pourrait recommencer un jour. Elle ne serait peut-être jamais tranquille. Mais en même temps, il était possible de brûler son prédilivre. On pouvait refuser le destin qui vous était assigné et en choisir un autre. C'était merveilleux. Et effrayant.

- J'ai fait un rêve bizarre, annonça-t-elle.

- Ah ?

- J'étais dans un monde futuriste et quelqu'un m'offrait une... télé crantée grand.

- Une quoi ?

- Je sais pas ce que c'était mais ça avait l'air chelou. Et il y avait ma pote, Tierna... ça fait des années qu'on ne s'est pas parlé...

- Katt, c'est juste un rêve.

- Je sais.

Katt attrapa son propre prédilivre et l'ouvrit par réflexe. Il n'indiquait rien pour ce soir. Elle ressentit une sorte de pincement au cœur en le regardant encore une fois. Ce petit objet avait fait partie de sa vie depuis qu'elle avait sept ans. Il l'avait accompagnée partout et, pour être parfaitement franche, elle avait toujours ressenti une pointe d'orgueil à l'idée que sa couverture argentée faisait d'elle une personne spéciale. C'était dur de renoncer à un privilège.

Peut-être qu'elle pourrait le garder ? Après tout, c'était juste un objet, un souvenir. Pourquoi vouloir absolument le détruire ? Mais en regardant le visage d'Avriline, en voyant ses mains usées par l'eau de vaisselle, Katt comprit à quel point ce serait égoïste. Il fallait qu'elle s'arrache à son ancienne vie.

Le manuel de la farouche guerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant