10. Le toit

17 5 14
                                    


Le soir venu, Katt rejoignit Sten à la bibliothèque, une habitude qu'elle avait prise quelques mois plus tôt. Comme toujours, elle le trouva occupé à ranger des livres, une expression pensive sur son visage.

- Tu viens ? demanda-t-elle.

- Une minute, s'te plait ! On a eu une longue journée. Figure-toi qu'on a enfin trouvé le pignouf qui écrit sur les livres !

- Ah ?

- Il est banni à jamais. C'était pas trop tôt !

Sten arborait un large sourire en prononçant ces mots. Pour lui, un livre était un objet sacré, le réceptacle d'une connaissance infiniment précieuse, et l'abîmer en écrivant dessus représentait un acte criminel. Moins cérébrale, Katt avait un peu de mal à le comprendre sur ce point.

- D'accord, dit-elle.

- Le pire, c'est que le directeur me soupçonnait !

- Pourquoi ?

Tout simplement parce que Stenvald était le seul employé noir. Il avait beau faire du travail parfait, les soupçons s'étaient portés sur lui quand ces graffitis étaient apparus. Avoir été lavé de tout soupçon représentait un soulagement immense.

- Parce que c'est un bouffon, tout simplement, répondit-il. Tu veux voir quelque chose de très beau ?

Elle acquiesça et il l'entraîna derrière une porte qui donnait sur un escalier. Quelques volées de marches plus haut, il ouvrit une porte sur un espace à ciel ouvert. Katt resta stupéfaite.

- On est sur le toit ?!!

- Oui ! s'écria-t-il. Ne dis à personne que tu es venue ici.

- Mais... c'est pas interdit ?

- Si ! Mais tout le monde vient quand même, le patron le premier. Regarde ! Le soleil se couche.

En effet, le ciel virait du bleu au rouge, de longs nuages rosés formant des stries parallèles à perte de vue. En contemplant les toits et les rues qui s'étalaient devant eux, Katt pensa qu'elle était l'une des seules personnes à assister à ce spectacle. C'était troublant.

- C'est beau... murmura-t-elle.

- On voit presque le Grand Brasier d'ici.

Le Grand Brasier était le repaire de Kronnart, dont peu de gens osaient s'approcher. Selon une légende, l'endroit était infesté de dragons qui vous carbonisaient vivants si on osait les déranger. Katt le savait mais tout ce qu'elle pouvait distinguer, c'était une vague lueur rouge au loin.

- Ogor est parti, annonça-t-elle.

- Pour toujours ?!

- Non, il va rendre visite à son père. Je garde la boutique pendant son absence.

- C'est bien. Je veux dire, il te fait confiance.

- Et toi ? Comment ça se passe, en ce moment ?

Stenvald eut un petit rire :

- Figure-toi que je dois former un petit nouveau !

- Il est doué ?

- Il est... gentil.

Katt supposa que c'était une façon polie de dire qu'il n'était pas doué. Le ciel devenait sombre et par contraste, le rouge du Grand Brasier semblait devenir encore plus vif. Au bout d'un moment, Katt fronça les sourcils. On aurait dit que sa lumière bougeait.

Non, ce n'était pas une illusion. Il y avait bel et bien quelque chose qui bougeait et se rapprochait. Katt compris soudain : la ville était en danger.

Le manuel de la farouche guerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant