22. Les Caverneux

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Les voyageurs se retournèrent et se trouvèrent face à une femme de petite taille qui les regardait intensément. Rsltvx remarqua qu'elle portait une armure et tenait une grande hache à la main. Il dégaina son épée :

- On ne se rendra pas ! s'écria-t-il.

Il se précipita vers elle. D'un geste habile, la femme le désarma et fit voler son épée à trois pas.

- Elos taremis y pargha ! cria Sten. Heu...

- Vous parlez cette langue ? demanda la femme d'une voix marquée d'un accent prononcé.

- Oui.

- Dites à votre ami de se calmer. Je l'attaque pas, je lui dis de pas s'approcher du mur.

- D'accord. Karrapi. Pourquoi, il y a une malédiction sur ce mur ?

- Non. Quand on respire trop près, ça accélère les réactions chimiques avec la peinture. Au bout d'un moment, les inscriptions deviennent illisibles. On ne vous a pas appris la politesse à l'école ?

Katt intervint :

- On est désolé.e.s. Sten, comment on dit désolé en langue locale ?

- Karrapi, répondit Stenvald. Moi aussi, je m'excuse de la part de mon ami, hein, Toto ?

- Karrapari, répondit Rsltvx qui n'en ratait pas une.

- Vous venez de me dire que je sens des pieds, objecta la dame.

- Mon ami est super nul en langues vivantes ! insista Sten, mortifié. Karrapi. On s'excuse. On est un tout petit peu perdu.e.s, vous comprenez ? On cherche le chemin vers le Grand Brasier. Si vous vouliez bien nous indiquer où c'est, ce serait vraiment gentil.

- Et pourquoi vous allez au Grand Brasier ? demanda la dame avec méfiance.

- On veut faire tomber le tyran.

- Vous permettez que je regarde vos chevaux ?

C'était la dernière question à laquelle l'Alliance s'attendaient. On acquiesça et la femme s'approcha, caressa les chevaux et, doucement, leur examina la tête et les sabots. Enfin, elle recula et énonça :

- Ils ont l'air d'aller bien. Si j'avais vu un canasson maltraité, je vous aurais pas laissés avancer. Vous n'allez pas aller avec eux jusque dans le Grand Brasier ?

Rsltvx était sur le point de répondre mais Borg lui coupa la parole :

- NON !!!

- Parfait. Je m'appelle Garouga Matroki. Je vais vous guider.

Rsltvx s'écria :

- Je m'appelle...

Il était prêt à refaire encore une fois la liste interminable de tous ses noms mais Katt lui coupa la parole :

- Lui, c'est Toto. Voici Borg et Stenvald et moi, c'est Katt.

- Vous êtes forgeronne ? demanda Garouga.

- Oui. Comment vous savez ?

- Vous avez les mains d'une forgeronne. C'est mon métier, aussi. Vous voulez voir mon atelier ?

- On n'a pas le temps ! protesta Rsltvx. Ouah !

Ils venaient de déboucher dans une grande salle d'où partaient des galeries et des couloirs creusés dans le roc. Des ouvertures laissaient deviner l'intérieur d'habitations et d'ateliers et une agitation joyeuse et fébrile régnait. Avec une pointe de fierté, Garouga pointa le doigt dans une direction.

- Mon atelier, c'est là. Venez, pour un prix modique, je peux aiguiser votre hache.

Katt interrogea Stenvald du regard. Il hocha la tête. Comme elle, il pensait qu'on allait se servir des armes tôt ou tard et que ce serait probablement une bonne idée de les aiguiser. Ça pourrait servir.

Garouga guida l'Alliance de Karloth jusqu'à une porte qui portait des signes mystérieux. Un homme aussi petit qu'elle sortit et échangea quelques mots avec elle, puis s'inclina en direction des voyageurs et attrapa les chevaux par la bride.

- C'est mon mari, Kervik ! expliqua Garouga. Il ne parle pas très bien votre langue. Voyons, cette hache. Je peux l'aiguiser pour cinq pièces.

Il s'agissait d'un prix parfaitement raisonnable. Katt accepta la proposition. Le petit groupe dut s'incliner pour entrer dans la salle d'attente, une petite pièce modestement meublée de coussins et d'une table basse. Borg, le plus grand, fut obligé de se plier en deux.

- Voulez-vous boire un thé en attendant ? proposa Garouga. Ce sera juste une pièce de plus. Grougg ? Tu viens servir le thé ?

Une adolescente en pantalon et chemise informes entra dans la pièce et attrapa une théière. Elle ressemblait tellement à Garouga qu'il était évident qu'il s'agissait de sa fille. Borg n'osait pas bouger. Il se sentait comme dans un décor de poupées et il se faisait tout petit. Katt, quant à elle, se sentait toute excitée.

- Je peux entrer dans votre atelier ? demanda-t-elle. Je n'ai travaillé qu'avec deux forgerons : mon père et mon mentor. Il devrait y avoir plus de femmes dans ce genre de métier.

- Je ne comprends pas, répondit Garouga. Chez vous, les femmes n'ont pas le droit d'être forgeronnes ?

- Si. Simplement, elles sont critiquées tout le temps.

- C'est fort regrettable.

- C'est clair...

Katt suivit Garouga dans son atelier et resta immobile tandis qu'elle aiguisait la hache. L'odeur, les bruits, les étincelles qui volaient dans tous les sens, tout lui rappelait le village de son enfance. Elle demanda aussi un aiguisage pour les armes de ses amis, paya, puis les rejoignit dans la salle d'attente.

- On peut repartir ! annonça Katt.

- Grougg va vous montrer le chemin, ajouta Garouga.

Le manuel de la farouche guerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant