9. Ogor

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C'est ainsi que Katt se mit à travailler pour Ogor. Il se montrait très exigeant, sérieux mais aussi gentil et avec lui, Katt se sentait vraiment soutenue et encouragée.

Elle se levait tôt, se rendait directement à la forge et y restait toute la journée. Le soir, elle dînait à l'auberge avec Sten et sortait parfois se promener le soir ou passait la soirée dans leur chambre. Son prédilivre ne lui donnait aucune indication de ce qui se passerait plus tard. Peut-être qu'à un moment, elle croiserait l'Elu et qu'à ce moment-là, elle saurait quoi faire.

*

Au bout d'un an, alors que Katt se trouvait dans la forge avec Ogor, un messager leur apporta un pli. Le maître lut et devint très pâle.

- Est-ce que ça va ? s'enquit Katt.

- Oui, murmura Ogor. C'est mon père. Il est malade.

- Est-ce que...

Ogor resta silencieux un long moment, puis il replia la lettre.

- Il va mal, expliqua-t-il. Je ne pensais pas qu'il essaierait de m'écrire. Ça fait longtemps qu'on ne se parle plus.

- Pourquoi ?

- Eh bien... il m'a rejeté il y a des années. J'étais pas l'enfant qu'il aurait voulu avoir. Je suis parti, j'ai voyagé, j'ai beaucoup changé. Tu crois que je devrais revenir le voir ?

Katt ne savait pas quoi répondre. Donner des conseils dans le domaine sentimental et familial, ce n'était vraiment pas son point fort ! Elle se contenta de tapoter maladroitement sur l'épaule d'Ogor. Encouragé, celui-ci continua :

- Ça fait plus de trente ans. Peut-être qu'il a changé, après tout. Et puis, même s'il ne veut toujours pas de moi, je préfère savoir.

- Ah...

- Tu pourras tenir la forge pendant mon absence ?

- Evidemment !

- Merci. Et merci pour tes précieux conseils, je crois... Katt ! Eteins le four !

Elle se précipita et éteignit mais il était trop tard. La pièce était fichue et il allait falloir tout recommencer. En enfilant ses gants, Katt déclara :

- Je sais pas pourquoi ton père t'a rejeté mais je sais une chose : il avait tort. T'es un type formidable.

- Il voulait pas que je sois un type, c'est tout.

- Quoi ?

- A ma naissance, mes parents m'ont appelé Oriana. Ensuite, j'ai compris que j'étais né dans la mauvaise vie. J'ai fini par tout leur expliquer. Ma mère l'a plus ou moins l'accepté, mon père, non. Je suis parti pour vivre ma vie d'homme comme je le voulais.

Katt était surprise. Elle n'aurait jamais deviné le secret d'Ogor. Pour elle, il était un homme, son mentor et son ami, point. En même temps, elle commençait à comprendre pourquoi il avait été le premier à accepter de l'embaucher même si elle était une fille. Lui aussi savait ce qu'était d'être rejeté parce qu'on est différent. Prudemment, elle s'enquit :

- Je devrais peut-être pas demander ça mais comment ça se fait...

- Que j'ai de la barbe et une grosse voix ? Je prends un médicament spécial. Avant de le prendre, j'étais en dépression.

Après tout, où était le problème si ça le rendait heureux ? Katt se mit à ranger l'atelier. Elle réalisait quelque chose qui la mettait un peu mal à l'aise : son enseignant et patron bien-aimé allait être absent pendant très longtemps.

- Tu vas rentrer quand ? s'enquit-elle.

- Je ne sais pas, peut-être dans un an.

- Tu vas me manquer.

- Et toi aussi. J'ai jamais eu d'enfant mais je crois que t'es la chose qui s'en rapproche le plus.

Il alla la prendre dans ses bras d'un geste paternel. Katt n'avait jamais vraiment aimé les câlins mais elle ne le repoussa pas. Il allait vraiment lui manquer.

Le lendemain, Ogor lui confia la clef de l'atelier et partit en voyage.

Le manuel de la farouche guerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant