40. La fin

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Au loin, on pouvait voir les flammes qui montaient vers le ciel. Une dizaine de feux de bois avaient été allumés dans la plaine et les gens se tenaient dispersés un peu partout. Certains groupes avaient même apporté des paniers de pique-nique, des coussins et des couvertures en prévision de la nuit et Katt aperçut un type qui marchait à droite et à gauche en essayant de vendre des petites saucisses et des boissons fraîches. Dans ce genre de rassemblement, on croise toujours des opportunistes. Elle cherchait ses amis du regard et reconnut Borg à sa grande taille. Elle et Avril se précipitèrent.

- Vous m'avez même pas attendue ? demanda Katt.

Sten lui fit signe de parler moins fort. Il écoutait la fin d'un discours. Ce n'était pas le maire qui parlait mais une femme à la peau brune qui s'appuyait sur une béquille. Katt dût s'avouer qu'elle ne connaissait pas ce visage.

- C'est qui ? murmura-t-elle à l'oreille de Toto.

- Je sais pas ! C'est personne ! répondit-il, la mine renfrognée.

Borg et Sten lui firent signe de se taire. Katt nota que Toto serrait une mandoline contre lui et se demanda où il avait pu trouver un objet pareil. Pendant ce temps, la femme brune continuait son discours :

- On ne peut pas changer le monde du jour au lendemain mais on peut essayer. Ce sera long, ce sera difficile, mais tous les longs chemins commencent par faire un pas en avant. Nous sommes ici parce que nous voulons que tout le monde puisse mener sa vie librement sans être jugé.e ni entravé.e. Comme symbole de ce nouveau départ, je propose aux personnes qui le souhaitent de brûler leur prédilivre.

Quelques livres volèrent, celui d'Avril en premier. Les flammes montèrent, des cris de joie résonnèrent et quelques personnes se mirent à danser. Evidemment, Toto cria au scandale, arguant que les gens « ordinaires » étaient juste jaloux des gens spéciaux et qu'il trouvait la situation ridicule. Personne ne l'écoutait.

Katt cligna des yeux. Une silhouette familière se tenait de l'autre côté du feu le plus proche. On aurait dit le Grand Décideur et il la menaçait du doigt...

- Tu vas pas rester sans rien faire ?!! lui cria soudain Toto dans l'oreille.

Elle éclata de rire et balança son prédilivre argenté dans les flammes.

- BRUUULE ! hurla-t-elle.

De l'autre côté du feu, la silhouette se volatilisa. Borg et Stenvald aussi jetèrent leur prédilivre et Toto finit par les imiter à contrecœur. Des musiciens qui avaient amené leurs instruments se mirent à jouer des musiques joyeuses et Toto décida finalement de leur demander des conseils pour apprendre à bien jouer de la mandoline. Cette nuit-là, on dansa et on s'amusa beaucoup au milieu des fumées. Stenvald invita un homme à danser et se trouva encore avec lui, heureux, quand le soleil se leva le lendemain. Cet événement resta dans l'histoire.

Evidemment, Katt savait qu'on n'en resterait probablement pas là. Peut-être qu'un jour, le Grand Décideur reviendrait. Peut-être qu'il essaierait à nouveau d'assigner des destins préprogrammés à chaque enfant, de d'obliger tout le monde à rentrer dans des cases. Elle se promit de se tenir sur ses gardes et de toujours garder sa hache près d'elle, juste au cas où. Un jour, elle pourrait encore en avoir besoin.

Le manuel de la farouche guerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant