15. Nunuche rose bonbon

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Le soir venu, Katt se sentait d'humeur exécrable. Assise seule au bar de l'auberge bien après sa fermeture, elle enchaîna plusieurs bières tout en fusillant du regard Avriline, qui la servait sans dire un mot.

- L'Elu est nul ! cracha-t-elle enfin.

- Mmm...

- Encore une bière, s'te plait !

Avriline lui tendit un verre d'eau et Katt fronça les sourcils.

- J'ai dit : une bière ! répéta-t-elle.

- Non.

- Quoi ?!

- Un, si tu bois encore, ça va devenir dangereux. Et deux, j'ai une question à te poser et j'aimerais que tu me répondes avant d'être complètement ivre morte.

- J't'écoute.

- Je veux savoir pourquoi tu me détestes.

Katt s'attendait à tout sauf à cette question. D'habitude, les filles n'essayaient même pas de lui parler ! Elle resta pétrifiée un instant, puis tenta de nier :

- Je te déteste pas.

- Je suis pas sourde. Dès que j'ai le dos tourné, tu m'appelles la nunuche, nunuche rose bonbon, la niaise, la cruche, le gros bébé... Je me trompe ?

C'était vrai. Katt ne savait même pas qu'Avriline tendait l'oreille quand elle parlait d'elle. Elle rougit malgré elle et tenta de se justifier :

- C'était juste des blagues.

- Non, c'est pas des blagues. Je veux juste comprendre. Est-ce que j'ai dit quelque chose qui t'a blessée ?

La réponse était non. Avriline était une employée modèle, polie, amicale et qui ne critiquait jamais les clients. Katt dût s'avouer qu'elle n'avait pas de bonne réponse à lui donner. Elle détestait les filles qui portaient du rose et des dentelles, c'était tout.

- Je me suis toujours mieux entendue avec les garçons, finit-elle par avouer.

- Pourquoi ?

- Eh bien... les filles passent quand même tout leur temps à dire du mal d'autres filles dans leur dos !

- Comme toi quand tu me traites de cruche ?

- C'est pas pareil !

- Pourquoi ?

- Parce que... parce que...

Katt attrapa son verre d'eau et le but d'un trait pour se donner une contenance. Ça lui faisait mal de se l'avouer mais Avriline avait raison : elle s'était horriblement mal conduite depuis le début.

- Tous mes amis sont des garçons, c'est comme ça, éluda-t-elle.

- Je te propose pas d'être amies. Je te dis simplement que s'entendre traiter de cruche quand on n'a rien fait de mal, ça fait mal.

- Apporte-moi une autre bière.

- Non. Tu as assez bu pour ce soir.

- Pas pour moi, pour toi.

Avriline la dévisagea avec surprise et demanda :

- Pourquoi ?

- Je t'offre une bière, c'est tout ! Mets-la sur mon compte.

- Une bière ?!

- Ou un verre de vin, si tu préfères. Ou un cidre. Prend ce que tu veux. Et apporte-moi une eau gazeuse, s'il te plait.

Le manuel de la farouche guerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant