Ariane

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Nous sommes arrivés en pleine nuit dans son palais. A l'abri des regards, en toute discrétion. Je ne sais pas si ce n'est le fruit du hasard ou une précaution prise volontairement, mais c'était vain. Ici, aucun secret ne subsiste, à l'Olympe, tout se sait. L'arrivée d'une inconnue aux bras d'un Dieu ne passe pas inaperçue.

Le voyage a été intense et éprouvant, passer de la Terre aux limbes n'est pas aisé pour une mortelle. Je conserve quelques bribes de souvenirs fugaces, des sons, de vagues sensations. Je me souviens de ses bras puissants me soulever, ces longs couloirs que nous avons traversés, le grincement de la porte lorsqu'il l'a poussé de son pied. Et la douceur de la soie lorsqu'il m'a posé dessus. Il a effleuré de ses doigts une mèche de mes cheveux qui recouvrait mon visage, et s'est éloigné en pensant que je m'étais endormie. J'ai attendu quelques minutes pour ouvrir les yeux. je n'avais pas envie de discuter avec lui. Pas envie de croiser son regard non plus. Il fallait que je récupère.

Je ne suis pas sa captive, je ne suis pas retenue contre mon gré. C'est juste que... le destin m'a fait croisé sa route et je n'ai pas eu d'autre choix que d'accepter sa main tendue. J'étais arrivée à un stade de ma vie où ma meilleure option était de suivre un inconnu dans un lieu encore plus mystérieux.

Allongée dans ce grand lit aux draps de soie noire, je cherche une position pour me reposer et récupérer. Mais les pensées négatives qui assaillent mon esprit m'en empêchent. Je ne peux pas retenir mes larmes de pleurer dès que je ferme les yeux. Le palais est silencieux, aucun bruit ne filtre, si ce n'est ceux de mes sanglots étouffés.

Je commence à croire qu'il vit seul ici. Dans mon ancienne vie, je vivais aussi dans un palais, et le nombre de valets aux ordres de ma famille se comptait par centaine. Il y avait toujours du bruit, de l'agitation, d'autant plus à l'arrivée de mon demi-frère. Le silence ici est pesant et me stresse. Je me retrouve seule face à moi-même, à mes décisions. Pour m'occuper, passer le temps, je n'ai pas d'autre choix que de réfléchir, faire de l'introspection.

Une bouffée de nostalgie m'envahit alors. Ma vie d'avant ne me manque pas encore, je trouve encore ici des repères qui me sont familiers. Ce qui me manque le plus... c'est lui. Je le revois dans ma tête, son corps d'athlète , ses cheveux courts et bouclés, . J'entends à nouveau le son mélodieux de sa voix, celles de ses promesses, je revois son regard plein de tendresse. Qui sonnent faux maintenant. Au fond, tout n'était que vent, que mirage. J'ai beau chercher, sonder mon esprit, je n'arrive pas à comprendre où notre histoire a dérapé. Et surtout, pourquoi je me retrouve seule à L'Olympe, seule dans ce lit, seule sans lui : Thésée.

Nous étions censés nous unir à l'issue de cette épreuve. Et pour lui, j'ai tout sacrifié : l'honneur de ma famille, la confiance de mon père, la vie de mon demi-frère. Et tout ça pour quoi ? Pour me faire éconduire et passer pour une imbécile aux yeux de tous.

Premier amour, première déception. Je ne savais pas que cela faisait aussi mal. Qu'une peine de coeur soit si douloureuse. je me maudis d'avoir croisé son regard, et plus encore d'avoir cru en ses paroles. Mais au fond, je suis maudite. Je fais partie de ces femmes qu'on nomme les Cursed lovers, comme ma mère, Pasiphae. Comme ma tante, Circé, comme ma cousine Médée. Cette histoire ne pouvait que mal se terminer à en croire mon pedigree.

J'entends des pas qui s'approchent à nouveau, la poignée de la porte se tourne et il fait irruption à nouveau dans la chambre. Je déglutis, je me retrouve à sa merci dans ce lit. Je sens son regard posé sur mon corps, qui me détaille et me dévisage. Je l'observe à mon tour, à travers la faible lumière qui traverse la pièce. Il porte une barbe blonde fournie, arbore des épaules imposantes doublée d'une carrure longiligne, voire athlétique. Une vive lueur traverse ses yeux, et il se passe une main dans ses cheveux. Sa voix est grave, bien différente de celle de Thésée:

- Tu as récupéré ? Tu as besoin de quelque chose ?

Dionysos. Dionysos a croisé ma route sur cette île, Naxos, il y a encore à peine quelques heures, et n'a pas hésité à m'enlever, me ramasser, comme une chose fragile, larmoyante pour me conduire à son palais. Et faible comme j'étais, je l'ai laissé faire.

L'attention dont il fait preuve à mon égard me touche, mais je gène en même temps. Les dieux ne font pas de cadeaux, leur attachement, leur intérêt est forcément intéressé.

Mes muscles tremblent, j'ai froid. Dionysos s'en aperçoit et s'approche de moi. Il s'empare d'une couverture en peau de bête, sans doute du mouton, rangée dans une armoire et en recouvre mon corps.

- Si tu as besoin de parler, sache que je suis là.

Je le remercie d'un hochement de tête alors qu'il s'éloigne aussi discrètement qu'il est rentré.

Je suis coincée dans ce palais, je n'ai nulle part où aller, personne vers qui me tourner. En tombant amoureuse de Thésée, je me suis mis toute ma famille à dos, à commencer par mon père et mon demi-frère. J'ai rusé et trahi la confiance de Dédale, causant sa perte. J'ai creusé la désolation dans mon sillage. Je n'ai que ce que je mérite, c'est le karma.

Aujourd'hui, Dionysos reste ma seule option. Ici à l'Olympe, personne ne me connaît. je ne suis qu'une mortelle. Enfin presque.

Je m'appelle Ariane, fille du roi de Crète Minos. Mon père est un des de fils de Zeus, et ma mère, Pasiphae, la fille du roi Hélios. Je suis de sang royal, et descendante de dieux.

God's crushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant