Ariane

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J'ai profité de l'absence de Dionysos au palais pour régler mes problèmes à mon tour. Il n'était pas question que je reste à l'attendre sagement, assise dans mon lit, alors que j'étais enceinte de lui. Je ne savais pas combien de temps durerait son congé, mais en ce qui me concerne, il ne me fallait qu'une journée. Juste vingt-quatre heures chez moi, près de mes proches. Ma vie avait profondément changé, j'allais entre autres devenir mère. Je ne me voyais pas aborder cette étape importante sans obtenir le pardon de mes proches, je m'en voulais toujours de les avoir trahi. Mais comment quitter l'Olympe sans Dio ? Je sais qu'il ne m'en voudrait pas de lui en avoir parlé. Il avait gardé ses propres fardeaux, c'est une évidence qu'il respecterait mes secrets.

J'ai trouvé une âme charitable en la personne d'Athéna, la déesse de la sagesse. Lorsque je lui ai avoué mes desseins et demandé son aide, les bras qu'elle m'a tendu m'ont conforté dans ma décision. Si elle approuvait, je ne pouvais qu'être dans le vrai. Elle a cependant tempéré mes ardeurs :

- On ne peut pas y aller que toutes les deux. Deux femmes, étrangères qui plus est, nous risquons gros. Il nous faut un homme pour assurer notre protection.

Nous avons pensé un instant à Arès, mais son caractère belliqueux et son goût prononcer pour la discorde, ne nous attirerait que des ennuis. C'est finalement sur Hermès, patron des voyageurs, que notre choix s'est porté.

Mon ancien palais, Cnossos, celui où j'ai passé mon enfance et mon adolescence n'avait pas changé. Tout comme mon île. J'ai donc joué les guides touristiques pour les dieux, je me rappelais encore les points forts, ceux qui attiraient les étrangers dans notre pays. Athéna s'est positionnée devant une fois arrivée aux portes du Palais.

- Nous venons voir le roi de Crète, dis Athéna en se présentant au palais.

Je restais en retrait, prenant garde de dévoiler mon visage.

- Les étrangers ne sont pas autorisés à rencontrer les membres de la famille royale. Passez votre chemin.

Athéna s'est délestée de son foulard et dévoilé son identité :

- Dîtes qu'Athéna le demande dans ce cas. Amenez-moi à Minos sur le champ.

Le gardien s'est incliné, comme marque de respect dû à toute divinité et présenté ses excuses.

- Pardonnez-moi votre déesse, je vous introduis au palais. Cependant, Minos n'est plus le régent. Ila cédé la place à son fils Deucalion.

Athéna me lance un bref regard, aussi surprise que moi. Mon cœur se serre, car je pensais vraiment le revoir. Mais une foule de question m'envahit sur les raisons exactes de son renoncement. Jamais mon père ne serait descendu du trône, si ce n'est ... Je préfère ne pas y penser.

- Et son épouse, réside-t-elle encore au palais ? demande-je soudainement

- Oui, une aile a été aménagée pour elle. Mais elle a très peu de visite, lle est très malade.

Mon frère avait donc succédé à mon père et conservé un appartement pour ma mère. J'en étais soulagée. Il en restait plus qu'à éclaircir l'absence de mon père.

De mes sept frères et sœurs, il ne restait plus que Deucalion qui y siégeait ainsi que deux de mes sœurs, Xénodicé et Acacallis.

Nous avons été reçus par le roi en personne qui nous a fait servir une tablée de mets délicieux, ceux de mon enfance. Lorsqu'il s'est approché de moi pour me verser du vin, j'ai posé ma main sur la sienne pour l'obliger à me regarder dans les yeux. Le pichet lui a échappé des mains, répandant le liquide sur la table :

- Ariane ! ma Sœur, c'est bien toi ?

Les larmes me sont montées aux yeux et je l'ai pris à mon tour dans mes bras.

- Père nous a dit que tu avais péri.

- Il n'en est rien, comme tu vois. Je suis là.

- Comment ? Comment cela fait que tu viennes avec les dieux ?

- Je vis à l'Olympe désormais. Je suis la compagne de Dionysos.

Je ne suis pas rentrée dans les détails sur notre rencontre ni notre cohabitation. J'ai insisté davantage sur ce qui l'intéressait : le luxe, le prestige de vivre là-bas.

- Je suis désolée de vous avoir abandonnée, si tu savais. Où est père ?

Son visage se ferme à l'évocation de Minos, me confortant sur l'indicible.

- Je suis désolée Ariane. Il a très mal vécu la fuite de Thésée et la trahison de Dédale. Son désir de justice l'a conduit à sa perte.

Je me rassois sur ma chaise, incapable de respirer. Une profonde culpabilité m'envahit alors. Est-ce que j'ai provoqué malgré moi cette désolation ?

- Je ne t'en veux pas Ariane. Personne ne t'en veux ici. Noter vie de famille était devenue irrespirable depuis l'arrivée du Minotaure. Il fallait que cela s'arrête d'une manière ou d'une autre...

Je ne sais pas si je dois me sentir rassurée ou non...

- Mère ? Je peux la voir ?

- Elle est très faible, mais je t'autorise à lui rendre visite.

Ce sont mes deux sœurs qui m'ont conduit jusqu'à ses appartements. Nous sommes restées toutes les trois très silencieuses. Pasiphae. C'est par elle quelque part que tout a commencé. Et c'est par elle que tout doit finir.

- Mère, je suis là... dis-je en m'agenouillant aux pieds de son lit.

Ma mère ne répondait pas, je me languissais qu'elle me reconnaisse, qu'elle me sourit aussi. Je n'ai eu droit à aucun de ses honneurs.

- C'est moi Ariane. Si tu m'entends, sache que je suis en vie. Et que je vais bien. Très bien. J'ai rencontré un homme merveilleux qui me considère encore plus qu'une princesse. Il me voit comme une déesse. Je suis heureuse maman. J'attends son enfant, et je vais être mère.

Mes sœurs, jusque là stoïques, se réjouissent à mes côtés. Ma mère, elle, reste sans réaction.

- Et pour finir, je suis désolée. D'être celle par qui tout s'est terminée. Notre bonheur apparent. Notre famille. Je me suis trompée, c'est de ma faute.

God's crushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant