Dionysos

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Avec Ariane, je sens qu'une époque est révolue. Que je suis passé à autre chose. L'ère du dieu cruel qui s'imposait, écrasait et assassinait ses détracteurs est révolue. A ses côtés, je suis différent, comme assagi. Au fur et à mesure qu'elle se livre à moi, mon cœur fond et saigne. Je tombe amoureux d'elle encore plus à chacune de ses confessions. Ce qu'elle révèle d'elle, son passé, ses failles, ses blessures, font écho aux miennes. Nos fêlures se ressemblent, comme si j'avais trouvé mon âme soeur. Et le pire dans tout ça, je n'ai pas peur de montrer les miennes de faiblesses. Je suis un colosse aux pieds d'argile et elle est mon talon d'Achille.

Je n'ai pas envie de m'imposer face à elle. Il n'y a pas si longtemps, j'aurai obtenu ses faveurs par la force. Ou pire, la folie. Aucune femme, aucune mortelle ne m'a jamais résisté. J'en ai rendu des femmes folles, j'en ai connu des admiratrices. Mais Ariane est différente.

Elle m'attire, me rend fou, me pousse dans mes retranchements à l'attendre. A essayer de lui plaire, d'être avenant, à la séduire. Je ne me reconnais plus. Je pourrais faire comme Hadès avec Perséphone. Mais je veux d'un amour sincère, pur. Je ne veux pas qu'elle me craigne, je veux plus que du respect, je veux ce que je n'ai jamais obtenu d'aucune femme mis à part ma mère : de l'amour.

Ariane me rappelle ma mère à certains égards. Comme Thésée lui rappelait son défunt frère. Je ne suis pas un jeune homme sans expérience, je suis plus qu'un homme, je suis un Dieu. Adulé, craint et respecté par des milliers de mortels sur Terre.

je voulais tenter quelque chose. Je sentais qu'on avançait dans l'intime, qu'on approchait de sa fameuse rencontre avec Thésée. En fin stratège, comme le sont tous les dieux, je sentais qu'il fallait que je me rapproche d'elle pour qu'elle se sente encore plus libre de se confier à moi. Et qu'elle ait plus de chance de succomber à mes charmes. D'autant plus que, malgré toute ma bonne volonté, ma patience commençait à atteindre ses limites.

- Je peux venir m'allonger près de toi ? lui ai-je demandé à l'issu de sa confession sur son frère

Ariane était étendue dans mon lit, épuisée d'avoir tant parler, d'avoir puisé en elle tant de souvenirs douloureux. Elle s'est décalée et m'a fait une place à ses côtés. Ce qui signifiait que ma présence ne la rebutait pas. Ariane me voyait comme un confident, et non plus seulement comme un Dieu, un hôte. Je gagnais petit à petit sa confiance, en essayant de ne pas trop la brusquer. Je ne supporterai pas de faire deux pas en arrière.

- Pour le moment, tout me plait en toi, mon attirance n'a pas changé, lui déclamai-je en passant une main dans ses cheveux.

Elle ne m'a pas repoussé. Au contraire. Mes paroles l'ont rassuré. Je ne sais pas si c'est l'effet du vin, mais elle n'opposait aucune résistance, son corps était complètement détendu.

Je me suis rapproché d'elle et j'ai posé mes lèvres sur les siennes. J'ai rêvé de ce baiser depuis la première fois où mon regard s'est posé sur elle, depuis la première fois où je l'ai vu sur cette île. Mais contrairement à ce qu'avais espéré, ce baiser n'avait pas la saveur que j'attendais. Il n'avait aucun goût, il était fade, loin de toute passion.

Ariane n'était pas prête. J'allais trop vite en besogne. Pour qu'il ait du sens, pour que ce baiser ait plus de valeur, il fallait qu'il vienne d'elle. Je me suis reculé et l'ait observé. Elle était encore blessée, meurtrie par toutes les épreuves qu'elle avait traversées, et plus encore par la rupture avec Thésée. Pour le moment, je n'étais qu'une épaule sur laquelle elle pleurait, un torse sur lequel elle se consolait. Un ami en somme. Elle ne s'était pas permise de me repousser par pudeur, parce que j'étais celui qui lui offrait l'hospitalité

Je devrais attendre. Encore. Patienter. Toujours. Est-ce que mes efforts seraient vains ?

God's crushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant