Ariane

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3ème jour

Lorsque le premier convoi est arrivé, j'avais quatorze ans. J'étais en colère. J'en voulais à la Terre entière et plus encore aux Arthéniens de m'avoir enlevé mon frère. L'ambiance à la maison était exécrable. Ma mère pensait son temps à pleurer la mort de mon frère. Quand le Minotaure, lui, vivait encore. Et quand elle ne pleurait pas, elle s'engueulait avec mon père. Elle lui reprochait ses nombreuses infidélités, d'avoir enfermé le Minotaure et de l'utiliser ensuite pour ses fins personnelles.

Nous, ses autres enfants encore en vie, nous n'existions plus à ses yeux. Nous ne comptions plus.

A 23 ans, je n'avais qu'une envie, quitter cette maison. Je rêvais d'une autre vie. J'avais beau être née princesse, résider au sein d'un palais luxueux, des gens à mes ordres, de l'or et de l'opulence à profusion, ce que je vivais avait tout lieu d'un cauchemar.

Ma vie, mon monde avait été bouleversé, comme ébranlé par un puissant séisme. Si mon frère n'était pas mort, j'aurai dû choisir un prince, un prétendant. C'était la destinée, la vie qu'attendaient toutes les princesses, les filles de mon rang, à mon âge. On devait choisir un jeune homme puissant, venu d'un autre royaume et notre mariage était censé apporter propsérité et puissance à nos parents

Mais après l'arrivée du Minotaure et l'assassinat de mon frère, je me voyais finir vieille fille, triste et sans amour dans ce royaume. Notre famille était devenue des parias au sein de la Grèce : ma mère avait du mal à se défaire de sa réputation, et mon père passait aux yeux de tous pour un roi cruel et sanguinaire. Personne n'aurait voulu de moi. Ni à Crète, ni ailleurs, et encore moins à Athènes. Le beau mariage dont je rêvais le soir avec ma sœur Phèdre n'aurait jamais lieu.

Je suis tombée par hasard sur le second convoi. Mon père leur avait dédié une salle dans le palais, pour les accueillir après leur voyage et les entretenir jusqu'à leur confrontation avec le Minotaure. Thésée, qui faisait parti de cette équipe, s'était échappé de la salle et je l'ai croisé aux hasards d'un couloir. J'ai été tout de suite surpris par sa beauté, son tempérament fougueux. Certes, je n'avais pas croisé beaucoup de jeunes hommes de mon âge jusqu'à présent, mais je sentais qu'il y avait plus. J'ai senti une alchimie, j'y ai vu un signe du destin. Comme si je le connaissais depuis toujours alors qu'en fait, je ne l'avais jamais vu auparavant. J'ai eu...comme un coup de foudre pour lui. Je lui ai posé la première question qui m'est venue à l'esprit, même si elle était stupide. Ce type était apparu de nulle part, comme une vision idyllique.

- Tu t'es perdu ? lui ai-je demandé

Ma question l'a fait sourire, et l'expression sur son visage m'a fait fondre. En temps normal, un étranger dans le palais susciterait de la peur, de l'inquiétude, j'aurais dû appeler les gardes. Mais je suis restée devant lui, fascinée. Il a engagé la conversation comme si cette situation était ce qu'il y a de plus normal.

- Je m'appelle Thésée et tu es ?

Un étranger, cela se confirmait. Une beauté pareille, je m'en serais souvenue. Il ne me connaissait pas, il n'était pas d'ici.

- Ariane, fille de Minos et de Pasiphae.

Auparavant, mon nom à lui seul était synonyme de prestige. Mais ce temps était révolu. En lui révélant mon identité, son sourire s'est crispé pendant quelques secondes, avant qu'il ne repose son doux regard sur moi. J'ai détaillé la tenue qu'il portait, j'ai évalué sa corpulence, semblable à celle de mon frère, et j'ai compris la raison de sa présence.

- Tu n'es pas obligé de combattre le Minotaure, lui ai-je répondu

- Je suis venu pour cette raison. J'ai embarqué dans le convoi de mon plein gré. Rien ne m'y obligeait. Je suis un prince, fils d'Egée, roi de Crètes.

- Si tu es un prince comme tu dis, que fais-tu à risquer ta vie ?

- Ce massacre est inutile, il n'a pas lieu d'être. Qui plus est, il ne te ramènera pas ton frère.

Thésée m'a plu cette nuit-là. J'avais trouvé le prince que je cherchais, celui que je pensais m'être destiné. Il faisait acte de sacrifice et ne manquait pas de courage. Et ses arguments étaient imparables.

- Alors laisse-moi t'aider.

Je lui ai proposé spontanément mon aide, me rangeant à ses côtés, oubliant mes devoirs, mon rang, ma famille, mon demi-frère. Thésée a acquiescé et m'a donné rendez-vous le soir même dans ma chambre pour sceller notre accord. Je me voyais déjà loin de ce royaume, à ses bras. J'avais trouvé plus qu'une échappatoire. A 23 ans, j'étais amoureuse. Et l'amour était la condition de ma liberté.

Je l'ai attendu toute l'après-midi, et lorsqu'il a fait irruption, je n'y croyais plus.

- Tu as réclamé un prince, me demande-t-il en entrant dans ma chambre.

Je n'ai jamais su, et je ne saurais sans doute jamais comment Thésée ait parvenu jusqu'à ma chambre cette nuit-là, comment il a réussi à ne pas se faire prendre, mais le voir debout, devant mon lit, m'a terriblement excitée.

- Déshabille toi Ariane, montre-moi ce que je veux voir, je n'ai pas fait tout ce chemin pour rien.

Une fois n'est pas coutume, j'ai obéis et j'ai offert mon corps nu à Thésée. Je le voyais comme mon héros, mon sauveur. Et rien de ce qu'il pouvait me demander, ne serait plus grand que le sacrifice qu'il s'apprêtait à faire pour son peuple. Il s'est empressé de se déshabiller à son tour et s'est allongé sur moi. Ses gestes étaient assurés, lorsque les miens étaient hésitants.

- C'est la première fois n'est-ce pas, me demande—il dans un sourire

Thésée ne s'est pas attardé. Nous étions tous les deux dans une situation délicate et le temps était compté.

- Je vais devoir faire vite, j'en suis désolé.

J'ai acquiésé et écarté mes jambes honteusement, lui permettant de se glisser en moi. Il a apposé sa main sur ma bouche, étouffant mon cri lorsqu'il m'a pénétré d'un coup brutal. Personne ne devait nous entendre. J'ai fermé les yeux, je n'aurais jamais imaginé ma première fois comme ça. Si froide, si mécanique. Thésée s'activait sans jamais se soucier de moi. Au bout de quelques minutes, son corps s'est figé, son regard s'est perdu dans le vide. Il s'est retiré en moi, m'a embrassé sur la joue et s'est échappé dans la nuit.

Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit, je revivais chaque seconde de notre court ébat. Mais au-delà, le défi qui s'annonçait devant nous était si important qu'il obsédait mon esprit.

Ma liberté reposait en grande partie sur Thésée : Il fallait d'abord que Thésée survive au Minotaure en le tuant. Puis, il fallait qu'on s'enfuie du palais, car mon père ne me laisserait jamais épousé un athénien, ma mère ne m'aurait jamais permis de m'unir au meurtrier de son fils. En choisissant d'aider Thésée, je me condamnais, et je n'avais plus qu'une seule obsession, que notre plan fonctionne.

J'ai réfléchi toute lanuit après que Thésée m'ait laissée femme dans mon lit. Il était les mains,j'étais la tête pensante de ce plan. Il ne pourrait pas mener son plan seul àexécution, avec toute sa bonne volonté, sa condition physique ne suffirait pas.Tout comme moi, je ne pouvais pas réussir seule . Il nous fallait de l'aide. J'airepensé alors à la seule personne capable de m'aider, celle qui me dégoutait leplus, celui qui avait contribué à notre perte : Dédale

God's crushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant