Ariane

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Dionysos s'est levé d'un seul homme. Il avait besoin d'une pause, et moi aussi. je l'ai laissé s'éloigner sans poser de questions, sans essayer de le retenir. Nous n'avions pas fixé de règles. On devait tout se dire, sans filtre, sans rien omettre. Je sentais qu'il était chamboulé, mais je me disais qu'un dieu tel que lui avait les épaules pour assumer mes propos.

Dionysos est réapparu très peu de temps après, en tenant deux chopes de vin à la main. J'ai souris, je m'étais trompé sur lui.

- Je pense qu'un peu de vin nous fera du bien.

- Tu cherches à m'enivrer, lui dis-je en me saisissant de la boisson.

- je veux juste amener un peu de légèreté.

Je ne bois pas souvent, à l'instar de mon père. Je l'ai vu se mettre dans des états incroyables, proches de la folie après quelques gorgées. Je n'ai aucune idée des conséquences que cela amènera à mon état, mais je fais confiance à Dionysos.

Je bois une première lampée en fixant Dionysos du regard, il est à l'affut de la moindre de mes réactions. Le liquide est chaud, la sensation âpre dans ma gorge. L'alcool me monte vite à la tête, si j'en crois le léger étourdissement qui m'envahit. La sensation est pour autant agréable. Dionysos me sourit, et m'invite à poursuivre.

"J'ai sept frères et sœurs, mais comme dans toute famille, on a ses préférences, ses affinités. Mon frère préféré était Androgée. Il était parfait. Un athlète hors pair, un corps musclé. il plaisait à toutes les filles qui se retournaient sur son passage et faisait la fierté de mes parents, la joie de sa grande sœur. C'était celui sur qui je me reposais le plus, le plus mâture de mes frères, le plus intelligent.

Je rêvais que l'homme qui m'était destiné lui ressemble, à la fois physiquement, comme moralement. Ses valeurs, le respect, le dépassement de soi, étaient celles que nos parents nous avaient inculqués et que je partageais. D'une certaine façon, Thésée lui ressemblait beaucoup. Physiquement d'abord et mentalement aussi.

Lorsque je suis rentrée ce jour-là au palais, j'ai surpris ma mère en larmes. Une fois de plus. Encore traumatisée par son accouchement, je sentais que quelque chose de bien pire était arrivé. Ma mère n'était pas seule. Pour la soutenir, il y avait ma tante Circé, et ce n'était pas bon signe. Mon père a fait irruption dans la pièce peu de de temps après moi, et il était déjà au courant. La nouvelle est tombée brutalement, comme d'habitude sans prendre de gants avec moi. Mon frère Androgée avait été assassiné lors d'une embuscade tendue par des athlètes athéniens. Une exécution sur fond de jalousie. Encore.

Là où une femme appelle à l'apaisement, les hommes en revanche ne pensent qu'à rajouter de l'huile sur le feu. Mon père ne cherchait qu'une manière de se venger. Il avait perdu un fils, son fils préféré. En posant les yeux sur ma mère, une idée diabolique, démoniaque, lui a traversé l'esprit. Il allait utiliser l'existence d'un fils pour venger la mort d'un autre. Mon père a créé un tribut qu'il a imposé aux Athéniens en compensation de la perte de son fils : tous les neufs ans, ceux-ci devaient lui sacrifier sept garçons et sep filles en offrande au Minotaure. Ceux qui n'étaient pas dévorés par lui, mourraient affamés à chercher le chemin du retour. En les faisant rentrer dans le labyrinthe, mon père les condamnaient à une mort certaine. Ce fils dont il n'avait jamais voulu devenait le meilleur instrument de sa colère et de sa vengeance.

J'avais quatorze ans lorsque mon frère a disparu. Quatorze ans lorsque le premier convoi est arrivé dans le labyrinthe. Neuf ans plus tard, Thésee embarquait pour le second convoi, décidé à mettre fin à ce massacre injuste.

God's crushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant