Chapitre 1

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Lundi 3 septembre 7h50, Manchester

Je me prépare à aller à la fac non sans la boule au ventre, le stress de la rentrée, vous me direz, mais il n'en est rien. Ce malaise que je ressentais au creux de mon estomac était autrement lié à mes parents. Après une énième dispute la veille, j'en venais à ne plus sortir de sorte à être présente si les choses allaient trop loin.

C'est le genre de situation que je ne souhaite à personne de vivre, à personne, pas même à mon pire ennemi. Aucun enfant, même de 21 ans, ne devrait se soucier de la sécurité de ses propres parents.

Avec cette peur qui ne me lâche pas, je quitte le domicile un peu soulagé qu'il soit enfin parti travailler, mais je reste inquiète de son retour imminent, j'enfonce mes écouteurs et me dirige vers la fac, autrement dit l'objet de mes angoisses et de mon anxiété.

À mesure que je m'approche de cette immense bâtisse orange composée de six étages dont les escaliers prennent la poussière malgré le passage massif et constant d'étudiants, je ressens une montée de stress et une appréhension croissante.

Les salles n'ont pas été rénovées depuis sa création ; des vieux rétroprojecteurs suspendus au plafond, des tables ornées d'inscriptions douteuses gravées au fil des années et des chaises bancales qui ont largement fait leur temps, toutes les salles étaient identiques : un sol en lino bleu qui couinait sous les chaussures des élèves les jours de pluie et des murs jaunâtres et décrépis.

Je sentais mon cœur palpiter et ma poitrine me brûler. De nature introvertie, je savais d'avance que cette année allait refléter les deux autres que j'avais passées, c'est-à-dire seule.

Je pénètre dans le bâtiment, gravis difficilement les 3 étages qui me séparent de ma salle de classe et me faufile au fond de la classe afin de ne pas me faire remarquer et de ne pas attirer l'attention. La classe se remplit peu à peu, les groupes se forment, mais personne ne vient m'aborder ni même daigner me regarder.

Je sors mon ordinateur et fais mine d'être occupée par mon écran, honteuse d'être seule et "éloignée du troupeau" encore une fois. J'aborde une expression sérieuse et fronce les sourcils comme si j'étais en train de résoudre quelque chose de compliqué alors que je jouais au jeu du Dinosaure.

C'est alors qu'une fille avec une longue chevelure rousse et de grands yeux verts se tient debout à mes côtés et m'interroge :

— Tu attends quelqu'un ? Est-ce que je peux m'asseoir ?

Je lève les yeux vers elle et lui sourit.

— Non, non pas du tout, tu peux t'asseoir !

Elle me sourit et tire la chaise, elle déballe ses affaires et m'explique qu'elle ne connaît personne, je lui réponds que je suis dans le même cas, puis nous commençons à parler de sujets aussi banals les uns que les autres.

Dès notre première conversation, j'ai su que nous nous entendrions bien, mais que cette amitié ne traverserait pas les murs de la fac, car nous n'étions pas du même monde.

Elle s'appelait Jade, c'était une très jolie fille, propre sur elle. Elle portait un pantalon à pince et un blazer, tous deux noirs avec un col roulé écru sur lequel tombaient en cascade ses longs cheveux ondulés. À ses pieds, une paire de bottines au prix exorbitant.

Elle affichait une expression enjouée et dégageait un magnétisme de sympathie. Je me demandai si elle avait délibérément choisi de s'asseoir à côté de moi. J'étais tout sauf approchable, avec mon éternelle mine blasée et glaciale que je réservais aux inconnus. Elle n'avait sans doute pas trouvé d'autre place, voilà tout.

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