Samedi 28 février 9h27Le lendemain de notre entrevue avec Haïder, j'étais motivée à changer de vie. Je me suis attelée à toutes les démarches administratives et j'ai même commencé à chercher un logement pour la rentrée de l'année prochaine.
Pour construire mon dossier de candidature, j'avais besoin de papiers tels que mes anciens diplômes ou encore mes attestations de scolarité, que ma mère rangeait soigneusement dans un carton au-dessus de son armoire.
En fouillant dans ce fameux carton, je tombe sur une photo d'anniversaire de mes 9 ans. On y voit ma mère et mon père à mes côtés ainsi que le gâteau, avec les bougies allumées, posé face à nous sur la table. J'ai un maquillage en forme de papillon et ma mère a également un papillon sur sa joue.
Flashback : 12 ans plus tôt
Je me tenais dans le jardin, entourée de ballons colorés et de guirlandes festives. Les rires des enfants résonnaient autour de moi, mais mon cœur était lourd. Aujourd'hui, je fêtais mes neuf ans et, bien que tout semblât parfait en surface, une tension palpable imprégnait l'air.
À l'intérieur de la maison, mes parents, Adria et Keyan, s'étaient disputés une fois de plus avant l'arrivée des invités. Les anniversaires devaient être des moments de joie, mais pour moi, ils étaient souvent marqués par les cris et les disputes de mes parents.
— Je t'avais dit de ne pas gaspiller tout cet argent pour cette fête ! cria mon père, ses yeux lançant des éclairs.
— Et moi, je te dis que notre fille mérite une journée spéciale ! répondit ma mère, la voix tremblante de colère et de frustration.
J'étais entrée dans la maison pour chercher un verre de jus quand j'ai assisté à la scène, immobile, mes yeux s'agrandissant de peur. Je savais que je ne devais pas intervenir, mais je ne pouvais m'empêcher de sentir un poids lourd sur mes frêles épaules. Mon impuissance me rongeait lors de ces altercations.
La dispute atteignit son apogée lorsque mon père, dans un moment de colère incontrôlée, leva la main et frappa ma mère à la joue. Je pousse alors un cri de surprise et de terreur, mes mains se portant instinctivement à ma bouche.
— Papa, non ! hurlais-je, les larmes perlant sur mes joues.
Mon père, réalisant immédiatement l'horreur de son geste, se figea, les yeux écarquillés par la culpabilité et le regret. Ma mère, le visage marqué par la douleur, se tourna vers moi, essayant de masquer son choc.
Quelques minutes plus tard, après que mon père fut sorti de la maison pour tenter de reprendre ses esprits, ma mère se tourna vers moi, les yeux remplis de larmes, mais déterminée à garder la face.
— Viens ici, ma chérie, murmura-t-elle, essayant de sourire malgré la douleur visible sur son visage.
Je m'approche de ma mère, incertaine. Elle s'assit sur le lit et commença à sortir une mallette qui contenait des pinceaux et des pots de peinture colorée.
— Que dirais-tu si on se faisait un maquillage de papillon ? me proposa-t-elle, ses yeux cherchant les miens.
J'hochai lentement la tête, ne sachant pas trop quoi dire. Elle commença à appliquer doucement la peinture sur mon visage. Elle créa de magnifiques ailes bleu et rose de papillon autour de mes yeux, utilisant des couleurs vives et scintillantes.
— Maintenant, à mon tour, dit-elle en souriant tristement. Elle appliqua la peinture avec soin, couvrant le bleu qui marquait sa joue. Elle transforma la blessure en une partie intégrante de son propre papillon.
Juste à temps, alors que les premiers invités arrivaient, nous nous regardâmes dans le miroir. Les papillons colorés sur nos visages masquaient non seulement les marques visibles, mais aussi les blessures émotionnelles de cet instant.
Je me sentis un peu plus forte en voyant ma mère sourire à travers la douleur. Ses yeux brillaient d'une détermination calme. Les invités furent accueillis par des sourires et des rires, sans soupçonner la tempête qui avait fait rage quelques minutes plus tôt.
Les enfants couraient dans le jardin, riant et jouant, tandis que nous gardions nos secrets bien cachés sous nos magnifiques maquillages de papillons. La journée continua, et bien que les traces de la dispute ne soient visibles que pour nous, le maquillage devint un symbole silencieux de notre résilience.
Retour au présent
Je me regarde dans le miroir, les souvenirs de ce jour revenant avec une clarté douloureuse. Les années avaient passé, et bien que le souvenir de ce maquillage de papillon soit resté gravé dans ma mémoire, il n'évoquait plus que douleur et ressentiment.
Je repense à ma mère et à toutes les disputes, les promesses brisées, et les moments où elle avait espéré, en vain, que les choses changeraient. J'avais grandi en portant le poids de ces conflits, et le maquillage de papillon, autrefois symbole de transformation et de résilience, était maintenant un rappel amer de la façade que ma mère avait essayé de maintenir.
Cependant, malgré ma haine pour la manière dont elle avait tenté de masquer la réalité, je ne pouvais m'empêcher de ressentir une forme de respect pour ce qu'elle avait enduré. J'avais vu ma mère essuyer les coups, non seulement physiques, mais aussi émotionnels, et tenter de préserver un semblant de normalité pour sa fille. En tant que femme, j'avais beaucoup d'empathie pour ma mère, mais en tant que fille, j'avais tellement de colère en moi.
Je me promets de ne pas laisser ces souvenirs dicter mon avenir, mais je savais aussi que je ne pourrais jamais oublier. La douleur et la colère étaient devenues une partie de moi-même, des éléments que je devrais apprendre à gérer, sans pour autant pardonner ceux qui les avaient causés.
C'était une époque révolue. J'allais maintenant tout faire pour aller de l'avant et oublier les démons de mon passé, peu importe si cela signifiait couper les ponts avec ma propre famille.
On ne peut pas guérir dans l'endroit qui nous a rendu malade. En l'occurrence, c'était mon propre foyer qui m'avait brisée de manière irréparable, un lieu où les murs résonnaient encore des cris et des larmes de mon enfance.
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Haunted
RomanceEzia est une jeune femme marquée par une enfance tumultueuse et des relations compliquées. Élevée dans un foyer où la violence des parents était monnaie courante, elle a grandi en apprenant à se battre pour sa survie émotionnelle et physique. Les c...