Chapitre 12

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Vendredi 11 janvier 10h23

Mon téléphone vibre sur ma table de nuit, ce qui me sort de mon sommeil en sursaut, c'était un appel d'Haïder. J'observe le téléphone sonner jusqu'à ce que l'appel termine. J'avais l'impression d'être passée sous un camion, ma nuit fut très courte, la fièvre et la toux avaient eu raison de moi. Satanée, fierté de merde.

Au bout du 3ème appel et voyant qu'il ne comptait pas lâcher l'affaire. Je me décide enfin à lui répondre :

— Bonjour, lâchais-je très froidement.

— Salut, j'ai vraiment besoin de toi, c'est urgent, il faut que tu viennes maintenant !

Il paraissait très paniqué, je le sentis à la gravité de sa voix.

— Envoie-moi l'adresse par message, j'arrive au plus vite.

Je raccroche directement afin de ne pas perdre de temps et d'arriver au plus vite. Je prends quand même la peine de mettre du mascara et du gloss, car peu importe l'urgence, c'est une étape que je ne négligerai jamais.

Surtout que j'allais enfin le revoir après tout ce temps, il était hors de question que je ne me présente pas de la meilleure des façons afin de lui faire regretter son absence. J'enfile rapidement un pantalon à pince beige avec un pull en laine de la même couleur.

Une fois prête, j'enfile mon manteau ainsi que des baskets et me dirige vers la cuisine où j'attrape une banane histoire de ne pas sortir le ventre vide et faire un malaise. Je n'avais rien ingurgité depuis cet épouvantable Matcha Latte. À mon plus grand bonheur, mes parents n'étaient pas dans les parages, ça m'évitera leur interrogatoire.

J'entre l'adresse qu'il m'avait envoyée sur le GPS de mon téléphone et prends le bus qui m'y emmène. Je me demande sincèrement ce qu'il se passe, pourquoi était-il si paniqué au téléphone ?

Les portes du bus s'ouvrirent et je descendis à l'arrêt que m'indiquait mon téléphone et je fus de suite troublée, car je me trouvais à présent devant un grand parc avec une étendue d'herbes et de nombreux arbres. Ça n'avait pas de sens, que pouvait-il faire là-bas ?

Je pénètre dans ce parc et suis sa localisation, j'emprunte un petit sentier qui donne sur une grande étendue d'eau magnifique où les enfants s'amusaient à jeter des cailloux et les personnes âgées s'asseyaient pour admirer la vue.

Adossé contre un arbre, Haïder semblait totalement serein, contrairement à son état au téléphone, à ses pieds un grand drap blanc étendu rempli de différents paquets de gâteaux, de chips, de barquettes de fruits et de boissons.

Il sentit ma présence et releva la tête, il m'offrit son éternel sourire chaleureux qui ne me laissait pas indifférente. Hors de question qu'il le sache, heureusement pour moi, le froid me sert d'alibi face à mon visage cramoisi.

— Elle est où l'urgence ? Je ne comprends rien, explique-toi !

— Écoute, je n'ai pas aimé la façon dont ça s'est terminé l'autre soir et je voulais me rattraper, mais te connaissant toi et ta fierté, tu ne serais pas venu si je n'avais pas prétexté une urgence. Je t'ai préparé un pic-nique pour me rattraper...

Je ne pus réprimander mon sourire face à cette intention si délicate, je le fixais perturbée, mais heureuse. Nous prîmes place sur le drap côte à côte face au lac. Mon ventre gronda de faim, je m'empare d'un paquet de gâteau et lis les ingrédients par réflexe.

À ma grande surprise, les ingrédients du paquet étaient barrés d'un trait de marqueur noir qui m'empêchait de distinguer quoi que ce soit.

Il savait. Il avait remarqué ma manie de lire les ingrédients à chaque fois, mais il ne m'avait jamais fait la remarque, ne voulant sûrement pas me blesser ou me perturber. Cette simple intention suffit à réchauffer mon cœur, une légère brise souffla tandis que les rayons du soleil nous réchauffaient.

Je sentis une plénitude que je n'avais ressentie que peu de fois dans ma vie, ce qui vint à me faire considérer fortement le rôle qu'Haïder tenait dans ma vie. Il était l'une des seules personnes à réussir à me faire sortir de l'obscurité de mon quotidien et cela m'effrayait, car je songeais au jour où il m'abandonnera, car il le fera comme tous les autres, même mes propres parents l'avaient fait, alors pourquoi pas lui ?

Des rires d'enfants éclatèrent et me firent sortir de mes pensées. Un groupe d'enfants s'amusait à courir après des oies autour du lac, ce qui me fit sourire. Les voir aussi innocents et libres me réchauffait le cœur. Je me tournai dans sa direction en constatant qu'il me regardait déjà pendant tout ce temps. Il paraissait pensif et plongé dans ses pensées.

— Qu'est-ce que t'as ? T'as l'air perdu ? l'interrogeait-je assez inquiète par son mutisme.

— Ouais, déclare-t-il très sérieusement, perdu dans tes yeux, murmure-t-il les yeux plissés afin d'imiter les piètres séducteurs que l'on voyait dans les mauvaises comédies romantiques.

Je pouffe face à son imitation des plus ridicules, je savais au fond de moi qu'il voyait mon mal-être et qu'il faisait tout pour me faire rire afin que je n'y pense plus.

— T'es vraiment débile, déclarai-je avec un grand sourire.

— Sinon, comment se sont passés vos examens, gente dame ?

— Aussi bien que notre dernière soirée, ensemble, annonçais-je avec un grand sourire.

Ma remarque acerbe lui efface directement le sourire qu'il affichait jusqu'à présent, 1-0 pour moi.

— À propos de la dernière fois, je suis désolé, mais je n'ai pas pu faire autrement, Nezha, c'est comme la famille, si je l'avais laissé en plan, ma mère m'aurait tué.

— Et comment expliques-tu ton silence radio de trois semaines Casanova ?

— Les examens et je suis tombé malade, mais ne t'inquiète pas, je ne t'ai pas oublié, je ne t'oublierai jamais, déclare-t-il solennellement en me gratifiant d'un clin d'œil qui m'arrache un sourire.

Sans m'en rendre compte, j'avais déjà englouti la moitié de la barquette de fraises et un paquet de gâteau entier, je sentis la culpabilité monter en moi. Mais en voyant son comportement décontracté et son désintérêt total face à la nourriture que je consommais, je me détendis instantanément.

Nous passâmes l'après-midi à échanger sur tout et n'importe quoi, il me racontait son quotidien en fac de médecine, ses dernières disputes avec Delara à propos de celui qui choisira le programme télé du soir ; ces discussions étaient certes banales, mais signifiaient beaucoup pour moi, car il partageait avec moi des moments de vie "intime" et me considérait donc comme une personne proche de lui.

Les derniers rayons de soleil aux nuances oranges se reflétaient sur le lac nous indiquant qu'il était temps pour nous de rentrer. Nous rassemblâmes nos affaires et nous nous dirigeâmes vers le bus. Il me raccompagna jusque chez moi aux alentours de 18 heures et prit le chemin de son domicile.

Arrivé chez moi, une boule se forma dans ma gorge, j'étais sortie sans prévenir qui que ce soit et j'allais sûrement en payer le prix. Honnêtement, s'il devait m'arriver quelque chose, je n'en avais que faire. Si c'était à refaire, je le referai 100 fois, juste pour lui.

En pénétrant chez moi, les lumières étaient toutes éteintes. Je me dirige vers le frigo pour y trouver un mot " Partit chez ta tante" je laisse échapper un souffle de soulagement, mais j'ai tout de même un pincement au cœur face à leur désintérêt non dissimulé à mon égard.

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