Chapitre 14

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Les premiers rayons de soleil s'immiscent entre les rideaux pourpres de la chambre de Delara. C'est le cœur lourd que je me réveille, migraineuse de la veille et la bouche pâteuse. La dispute d'hier m'avait laissé un goût amer, et j'avais pour la première fois découché, aggravant davantage mon cas.

Je tâte la place à côté de moi pour découvrir que Delara est déjà sortie du lit. Je ne saurais dire combien de temps j'avais dormi ; le sommeil était devenu une échappatoire où elle ne pouvait pas m'atteindre.

Je me sentais léthargique, tant physiquement que mentalement. Je n'avais aucune motivation et je me sentais vidée de toute énergie et d'émotions, comme paralysée et prisonnière de mon propre corps. Sa cruauté m'avait complètement anesthésiée.

Contre toute attente, je me sentais apaisée dans cette chambre, comme toutes les fois où j'étais venue. Ses murs étaient mauves, et sa chambre était remplie de bibelots en tous genres qu'elle avait amassés depuis des années. Ce qui faisait le charme de cette pièce était sa banquette sous sa fenêtre ; nous y passions des heures à nous raconter nos vies sous la lumière des immenses vitres.

Tous ses murs étaient ornés de photos qu'elle avait prises avec ses amies et sa famille. Elle avait également accroché toutes sortes de cartes postales, d'affiches et de posters qu'elle gardait en souvenir des endroits où elle avait voyagé.

Je songeais à ma propre chambre aux murs gris, qui faisait penser à une prison. Les murs étaient dépourvus de toute personnalisation car, je cite, d'après ma mère : "C'est une chambre, elle doit comporter le minimum vital, tu peux vivre sans décoration, n'est-ce pas ?"

Ainsi, il y trônait un lit, une table métallique grise et une armoire blanche. Ma chambre représentait tout ce qu'il y a de plus sobre et morose, elle faisait penser à une cellule de prison.

Je pris une grande inspiration et me décide enfin à me lever, plutôt  à me traîner jusqu'à la salle de bain. Durant ce court trajet, je priai pour ne pas tomber sur Haïder. Je ne souhaitais pas qu'il voie mon lamentable état. En me retrouvant devant le miroir, je fis face à mon reflet : j'avais une mine affreuse, mes cernes étaient creusées et mes cheveux décoiffés par ma nuit agitée à cogiter sur ma propre existence.

Pour pallier à mon piteux état, je décide de me rincer le visage à l'eau froide, de me brosser les dents avec la brosse que Delara avait pris soin de me mettre à disposition, et de me coiffer d'une queue de cheval. Je remis un peu d'ordre dans ma tenue et me dirige vers la cuisine où je trouverais sûrement Delara.

En pénétrant dans la cuisine, je fus accueillie par une bonne odeur sucrée qui flottait dans l'air. Elle se tenait face à la gazinière en chantonnant. Elle préparait des crêpes ; une pile d'au moins vingt crêpes trônait déjà sur une assiette à côté d'elle.

Elle remarqua ma présence et me gratifia d'un sourire :

— Je ne te demande pas si t'as bien dormi, ta tête répond à ta place, pouffa-t-elle.

Je ne pus m'empêcher de la rejoindre dans son hilarité ; son rire était tellement communicatif. J'aimais Delara car elle était naturelle et n'essayait pas de me réconforter à tout prix, mais elle essayait plutôt de me faire rire et oublier, comme lui.

En parlant du loup, je ne le vis pas dans les parages et en déduis qu'il devait probablement encore dormir. C'était son activité préférée ; chaque fois que je lui écrivais, il révisait ou il dormait.

Elle s'empara de l'assiette de crêpes et me fit signe de la suivre au salon. Elle la déposa sur la grande table où se trouvait déjà un festin : des tartines, des jars de jus, des brioches, des viennoiseries.

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