Chapitre 4

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Vendredi 8 octobre 17h40

— Si tu n'es pas content, tu prends tes affaires et tu te casses, hurla ma mère à pleins poumons pendant que mon père sortit en claquant la porte.

Je mets mes chaussures et mon manteau, en entendant les jurons de mes parents qui se disputaient une fois de plus. En sortant, je suis accueillie par le regard méprisant de ma mère.

— C'est ça, enfuis toi aussi, c'est tout ce que tu sais faire, t'es comme ton père au fond ! Me cracha-t-elle pleine de haine.

Je claque à mon tour la porte, n'ayant pas la force de me dresser contre elle aujourd'hui. J''optai pour la fuite. Elle n'avait pas tort ; si ma santé mentale en pâtissait, je n'allais sûrement pas rester à l'endroit qui m'a bousillé, juste seulement pour ses beaux yeux.

Arrivé dehors, j'enfonce mes écouteurs et prends la route en direction de l'appartement de Vlad. Sa mère faisait de plus en plus souvent de gardes de nuit à l'hôpital ; ainsi, elle faisait appel à mes services très fréquemment.

À ma plus grande déception, je ne croise personne. Je ne l'ai pas croisé lui. Je me surprenais à espérer, ne serait-ce que de le croiser un quart de seconde, en y songeant. Je ne pus me contenir de penser que j'agissais comme une collégienne alors que j'avais 21 ans et toutes mes dents. Pathétique, voilà ce que j'étais.

En entrant dans la cage d'escalier de l'immeuble, mon téléphone se mit à vibrer, je reçus un message de la mère de Vlad.

"Je suis désolé, nous allons avoir 1 h de retard !"

Face à cette situation, j'eus deux options, rentrer chez moi et affronter ma mère à nouveau durant cette heure ou attendre sagement 1 h quitte à m'ennuyer. Le choix fut vite vu, je pénètre dans le hall et m'installe sur les marches d'escalier qui faisaient face à la porte d'entrée de l'immeuble et attends patiemment leur arrivée.

C'est alors qu'après une quinzaine de minutes, j'entends la porte du 1er étage, son étage, se déverrouiller. Trop honteuse de la situation pitoyable dans laquelle j'étais, je n'eus pas le courage de me retourner afin de savoir qui venait de faire irruption dans mon dos.

— Salut, qu'est-ce que tu fais là ? Annonça la voix enjouée et rieuse de sa sœur que je reconnus en me retournant. Elle descendit les escaliers afin de gagner le hall, un trousseau de clés à la main qui tintait à chacun de ses pas. Elle enfonça les clés dans la boîte aux lettres encastrée au mur à ma droite. Elle extirpa quelques enveloppes et me regarda attendant ma réponse qui se vaut tardive.

— J'attends le petit, il a 1h de retard, lui déclarais-je avec une mine désespérée. Elle comprit directement que je parlais de son voisin qu'elle croisait assez souvent.

— Parfait, pile le temps de prendre un café, s'exclame-t-elle, allez monte !

Sa proposition ne m'enchanta pas dans un premier temps, car je n'étais pas de nature sociable, mais au contraire très introverti, et je ne voulais pas le croiser de peur qu'il pense que je cherche après lui jusqu'à m'inviter dans son domicile.

De plus, nous n'étions pas dans un téléfilm pour recevoir ce genre de proposition venant d'inconnus, je demeure donc perplexe face à son invitation. Mais face à son trop-plein d'entrain, je ne pus me résoudre à refuser, je la rejoins et nous pénétrons chez elle.

J'avais eu de nombreuses fois, l'occasion de la croiser, elle était toujours avenante et me saluait chaleureusement à chaque fois comme si nous nous connaissions depuis longtemps, alors son invitation ne me parut pas indécente au vu de sa forte sociabilité.

Une fois à l'intérieur, s'offrait à moi un spectacle olfactif et visuel. Devant moi un appartement modeste mais chaleureux, les murs d'un orange vif s'alliaient parfaitement avec les tapis persans de toutes les couleurs qui habillaient le sol.

Une odeur de sucre et de café flottait dans l'air, nous nous dirigeâmes vers ce que je pensais être le salon, elle m'invita à prendre place sur le canapé et s'éclipsa dans la cuisine.

Je me mis à observer l'environnement qui m'entourait et mes yeux tombèrent sur un cadre où l'on pouvait voir un garçon et une fille du même âge. Ils semblaient très heureux sur cette photo, rien qu'en pénétrant dans la maison, je me sentis bizarrement à ma place.

Des tintements de tasses me firent sortir de ma rêverie, la fille dont je ne connaissais toujours pas le prénom et sa mère rentrèrent dans le salon les bras chargés de plateaux contenant des tasses, des pâtisseries, des jars de jus et une cafetière.

J'eus l'occasion de mieux les détailler, la fille avait de longs cheveux lisses et noirs, ses traits étaient doux, elle avait d'épais sourcils fournis, un nez fin et de grands yeux verts comme ceux de son frère. Sa mère devait être à la fin de sa quarantaine, elle avait rassemblé ses cheveux noirs dans un chignon fin dont certaines mèches étaient teintées de gris dus à son âge.

Elle était de petite taille et portait une robe de maison violette dont les manches étaient ornées de broderies dorées. Elles déposèrent tout ceci sur la petite table basse qui me faisait face et vinrent s'asseoir à mes côtés.

— Bonjour ma fille, tu vas bien ? M'interrogea sa mère avec un grand sourire et une expression chaleureuse.

J'eus un pincement au cœur, car elle ne me connaissait pas et me traitait pourtant comme sa propre fille. Tiens, j'en connais une qui devrait prendre exemple.

Elle me servit des petits gâteaux et m'expliqua que c'était des kleichas, des biscuits traditionnels d'Irak.

Je me présente ensuite brièvement à elles et sa mère fit de même, elle me fit le portrait de chaque membre de sa famille. Avec une lueur indescriptible dans ses yeux. De la fierté peut-être ? Je n'en sais rien, je n'ai eu le droit qu'à des regards de mépris jusqu'à présent.

— Moi, c'est Delara et mon frère, c'est Haïder, nous sommes jumeaux nous avons 22 ans déclara sa sœur. Je fais des études de droit qui ne m'emballe pas tant que ça et lui de médecine, c'est d'ailleurs pour ça qu'on ne le voit presque pas, il est passionné par ses études, toujours en train de réviser, conclut-elle en riant.

Haïder, c'était donc le nom de ce mystérieux jeune homme qui hante mes pensées.

Nous continuâmes de discuter de tout et de rien sans voir passer le temps quand mon téléphone vibra. Je le consulte et y lis un message de la mère de Vlad :

"Nous sommes arrivés à la maison."

Au même moment, la porte de l'appartement claque et l'objet récurrent de mes pensées débarque dans la pièce. Il balaye la pièce du regard et croise enfin mes pupilles. Je discerne de l'incompréhension et de la surprise dans ses yeux, mais ils sont vite remplacés par cet éternel regard chaleureux dont il me gratifiait à chacune de nos entrevues.

Troublée.

C'était ce qui pouvait le mieux décrire mon état suite à cette œillade, qui fit accélérer les battements de mon cœur. Je sentis mon visage chauffer. Consultant à nouveau l'heure, je pris ainsi la direction de la porte escortée par Delara sous le regard appuyé, mais bizarrement pas dérangeant de Haïder.

Sur le pas de la porte, il me glissa tout bas pour que nous soyons les seuls à entendre :

— Quand je disait qu'on se verrait bientôt, je ne pensai pas que ça serait aussi tôt, et chez moi. Après, si tu veux faire les choses vite, ça me va, déclare-t-il sur un ton taquin en haussant les épaules pour montrer qu'il n'était pas contre.

Je perds complètement mon sérieux et j'éclate de rire.

Delara nous rejoint et m'intime de lui donner son numéro afin que nous puissions nous voir, tant le feeling était bien passé entre nous. J'aimais bien cette fille, du moins le peu que j'eus à voir d'elle me fit miroiter l'image d'une fille simple et fortement sympathique que je prendrais plaisir à revoir. Je m'élance ensuite dans les escaliers afin de commencer ma soirée de baby-sitting.

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