Chapitre 16

83 11 11
                                    




Mardi 27 février 17h09

Nous avions finalement réussi à trouver un jour pour nous voir avec Haïder, malgré son emploi du temps chargé à cause de ses examens. Nous nous étions donné rendez-vous dans un parc près de chez lui où nous avions l'habitude de nous retrouver.

Nous prîmes place sur un banc qui faisait face à une aire de jeux où les enfants, venant de sortir de l'école, s'amusaient. Je ne pus m'empêcher de penser à mon petit Vlad, que je n'avais pas vu depuis un moment. Il faudrait que je passe chez lui ; il me manquait, ce petit diable.

Haïder, fidèle à son habitude de générosité sans bornes, avait apporté de quoi nourrir tout un régiment. J'appréciais profondément ces petites attentions qui révélaient tant de sa bienveillance et de son souci du bien-être des autres. Il était naturel et ne jouait pas à vouloir prouver quoi que ce soit.

Il portait un sweat-shirt vert kaki avec un pantalon large noir ainsi que des baskets blanches. Ses cheveux, rabattus en arrière, laissaient quelques mèches ondulées tomber sur son front, revêtant une teinte marron clair sous les rayons du soleil. Je peinais à me concentrer sur la conversation quand il me sondait de son regard vert sapin hypnotisant.

— J'ai une question. Pourquoi aimes-tu tant tes études de médecine ? Le coupais-je, cette question me trottait dans la tête depuis un moment. Il consacrait la majeure partie de son temps à ses révisions, cela m'intriguait.

Il prit un moment pour répondre, son visage se teintant d'une mélancolie subtile. Ses yeux, habituellement brillants de détermination, semblaient aujourd'hui plus introspectifs.

— Tu sais, la médecine n'est pas juste une carrière pour moi. C'est bien plus profond que cela. Chaque jour, je suis motivé par le désir de faire une différence, de sauver des vies. C'est comme si... je ressentais une urgence, une sorte de mission personnelle.

Il fit une pause, cherchant ses mots, puis reprit, sa voix prit une tonalité de gravité que je n'avais jamais entendue chez lui auparavant.

— Il y a tant de souffrance dans ce monde, tant de personnes qui luttent silencieusement contre des maladies terribles. Pour moi, chaque vie sauvée, chaque sourire retrouvé, c'est une victoire. C'est ce qui me pousse à travailler plus dur, à me surpasser chaque jour.

Haïder détourna légèrement le regard, fixant un point invisible, avant de continuer.

— J'ai toujours cru que chaque personne mérite une chance, une lueur d'espoir. Si je peux être celui qui apporte cette lumière, alors tous les sacrifices en vaudront la peine. Il y a une beauté indescriptible dans le fait de pouvoir redonner de l'espoir à quelqu'un, de lui offrir une chance de se battre, de vivre.

Il se tourna à nouveau vers moi, ses yeux brillant d'une intensité nouvelle.

— C'est cette conviction, ce besoin de faire une différence, qui me motive tant. Je veux utiliser mes compétences, mon savoir, pour apporter du bien. Pour moi, c'est une manière de donner un sens à ma vie, de transformer chaque jour en une opportunité d'aider les autres.

Je l'écoutais, touchée par la profondeur de ses paroles. Je ne pouvais me douter du véritable poids qui pesait sur ses épaules, de la bataille silencieuse qu'il menait en secret. Haïder, avec sa voix pleine de sincérité et de détermination, avait partagé une part de lui-même.

— Assez parlé de moi. Ça serait quoi ta carrière de rêve, ma chère Ezia ?

— J'aimerais travailler dans le domaine de la protection de l'enfance, protéger les enfants qui sont dans des situations familiales difficiles. Imaginer qu'on puisse être un refuge pour ces petits cœurs qui battent dans l'obscurité, c'est comme devenir leur lumière. On peut les guider vers un avenir meilleur, loin des ombres du passé...

Je marque une pause en évitant soigneusement son regard, de peur qu'il puisse lire en moi comme il savait si bien le faire.

— La seule formation pour ce type d'emploi se situe à Cardiff. Je n'ai pas les moyens nécessaires pour y habiter et mes parents refusent de me la financer.

— Ezia, tu veux sauver tout le monde, mais qui te sauvera, toi ? Parfois, la meilleure façon de protéger les autres est de commencer par se protéger soi-même. Tu es comme un phare pour ceux qui ont besoin de guidance, mais tu ne peux pas briller pleinement si tu te caches dans l'ombre. Pense à toi aussi, même si cela signifie prendre des décisions difficiles.

Haïder laissa son regard errer dans le vide un instant, comme s'il cherchait les mots au-delà de l'horizon visible, avant de reprendre d'une voix remplie de compassion :

— Je ne suis peut-être pas toujours au courant de tous les détails, mais je sens qu'il y a des choses qui pèsent sur toi, des choses liées à ta famille. Tu n'as pas à porter ce fardeau seule, tu sais. On peut trouver une solution pour te faire sortir de cette situation, il existe des aides financières pour les étudiants comme toi. Tu peux t'émanciper et partir. Je vais t'aider dans tes démarches.

Il brandit son téléphone et pianota en fronçant les sourcils. En deux ou trois clics, il trouva la page d'inscription à une bourse d'études en fonction de la spécialité, éligible pour les étudiants ayant choisi un cursus ou une discipline spécifique. Je complète la pré-inscription en une dizaine de minutes et envoie ma candidature.

— Merci pour tout, Haïder, lui chuchotai-je timidement.

Il avait apporté de la lumière à mon avenir sombre et incertain. Son altruisme et son dévouement étaient comme une bouée de sauvetage dans l'océan tumultueux de mes aspirations. Grâce à lui, mes rêves semblaient soudain réalisables, mes objectifs atteignables.

Je me surprenais souvent à réfléchir à la façon dont une simple rencontre avait pu transformer mon destin de manière si significative. Comment une personne avait-elle le pouvoir de faire basculer les étoiles et de déplacer des montagnes sur mon chemin ?

C'était comme si Haïder avait été envoyé dans ma vie pour me montrer que même les obstacles les plus imposants pouvaient être surmontés avec courage, détermination et, bien sûr, un peu d'aide de la part des autres.

Soudain, son téléphone vibra. Il consulta l'émetteur de l'appel et fronça les sourcils. Il s'excusa et se leva pour s'éloigner afin de répondre. Je ne pus voir de qui il s'agissait, mais à son expression froissée, je compris que ce n'était pas un appel qu'il s'attendait à recevoir en ma présence. On aurait dit qu'il était presque gêné que je sois là au moment où il le reçu.

Il revint après une dizaine de minutes, mais son comportement avait changé ; il semblait agité et distant.

— Je dois y aller, je t'enverrai des modèles pour ta lettre de motivation ce soir, débita-t-il avant de se lever et de prendre la direction de la sortie du parc.

Quant à moi, je reste assise un moment, perplexe face à son changement de comportement. J'essayais de comprendre pourquoi il était si secret, pourquoi il avait agi de la sorte. Je savais que je n'aurais pas de réponse tout de suite. Alors je décide de rassembler mes affaires et de rentrer chez moi.

HauntedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant