Chapitre 1 [C]

33K 1.9K 183
                                    

→ Point de vue de Anna ←


Les cours... à quoi cela servaient-il ? Quelle utilité pouvaient-t-ils avoir lorsqu'a ton entrée au lycée tu ne savais même plus lire ou écrire ? Voire même s'exprimer ? Quand tu ne connaissais plus ton nom, et que tu n'arrivais pas à manger seule ? Il m'a fallu cinq mois pour réapprendre tout ça.

Une fois les connaissances de bases réintégrées, je dus retourner à l'école, mais je ne savais pas faire grand choses... Pendant un mois, je fus la risée de mon établissement, et malheureusement encore jusqu'à aujourd'hui.

Je feignais d'écouter le cours de mathématiques dans lequel j'étais. Apparemment, avant l'accident, c'était ma matière préférée, mais maintenant... je n'y comprenais rien ! Les professeurs avaient beau vouloir m'aider en multipliant les cours de soutient, en vain.

-Anna, êtes-vous avec nous ?

Mon regard quitta la fenêtre de la salle pour se déposer sur ma professeure qui se tenait les poings sur les hanches.

-Non, répondis-je simplement.

Des rires moqueurs résonnèrent un peu partout. Ma professeure s'échinait pour rester calme avec moi, alors que j'étais insolente, méchante et agressive avec elle... je lui en faisais voir de toutes les couleurs. C'était mon souffre-douleur.

-Pourriez-vous daigner au moins suivre le cours ? Me demanda-t-elle, excédée.

Je la défiai du regard, me levai et me dirigeai vers la porte.

-Non, lâchai-je avant de la claquer derrière moi.

Ça m'énervait ! Franchement à quoi ça sert les maths ? A rien !

Je ne crois pas que le théorème de je-ne-sais-plus-quoi nous servira pour aller faire nos courses de toute manière...

Je marchais vers la sortie sous l'amusement des quelques élèves présents dans les couloirs à cette heure-ci. J'étais la risée de tout le lycée, mais je ne pouvais rien y faire... il en était ainsi depuis l'accident et depuis que je j'avais été forcée de passer à la télévision pour relater mon histoire et que je n'avais pas su quoi répondre.

Je sortis rapidement de mon établissement scolaire et partis en direction de chez moi. Je décidai de prendre mon chemin préféré pour atteindre ma maison : La forêt. En plus d'être le plus beau, il était aussi le plus court... si on ne s'attardait pas à regarder la nature ambiante. Evidemment, ce n'était pas mon cas, moi qui passais la plupart de mon temps dans ce bois majestueux à écouter les oiseaux chanter, fleurer ses multiples odeurs enivrantes...

C'était là. C'était là ma vraie maison, le seul endroit où je me sentais vraiment chez moi et moi-même.

Je pénétrai enfin dans ce gigantesque refuge et m'installai sur mon arbre préféré.

C'était un arbre magnifique qu'une violente tempête avait couché, mais il avait continué à pousser en dépit de ce handicap. Il était séparé en deux troncs.

Je m'assis sur celui qui était le plus proche du sol pour ensuite m'y allonger et fermer les yeux.

Le chant flûté des oiseaux brisait l'éternel silence de la forêt et le vent caressait les feuilles et mes cheveux bruns. Les douces senteurs de la nature emplissaient mes narines : je distinguai la forte odeur de la terre humide, et celles des différentes plantes arrosée par la pluie de ce matin étaient toutes aussi poignantes. J'aurais pu rester des heures ainsi.

Un craquement de branche retentit, bientôt suivi par le bruit de nombreux oiseaux s'envolant à tire d'ailes. Je me redressai rapidement pour en chercher la provenance, mais ne voyant rien d'anormal, je décidai de me recoucher. Je jetai quand même un rapide dernier coup d'œil, et c'est là que je les remarquai : une paire d'étranges yeux mordorés étaient braqués dans ma direction, à environ dix mètres de moi. Une silhouette singulière se tapissait à quatre pattes dans l'ombre d'un buisson.

Intriguée, je descendis précautionneusement de mon perchoir et m'en approchai à pas feutrés.

-Qu'est-ce que tu fais ?

Je sursautai violemment et me retournai vers ma voisine, Madame Gandy. Elle devait certainement aller au centre-ville.

-Eu...je... balbutiai-je, cherchant une bonne excuse.

Je parcourais la forêt du regard, et j'aperçus à mes pieds un gros champignon d'une couleur assez étrange.

-Je cueille des champignons pour ce soir ! Lui dis-je fièrement en le ramassant et en le brandissant comme s'il s'agissait d'un trophée.

-Ah ! Les champignons de cette forêt sont les meilleurs, jeune fille ! M'affirma-t-elle.

-Oui, je sais, lui répondis-je en souriant.

-Mais fait attention, celui-là est vénéneux, me prévint-elle en rigolant. Bien ! Bonne cueillette Anna ! Me salua-t-elle avant de partir.

Dès qu'elle eut le dos tourné, je jetai le champignon loin de moi en réprimant une grimace de dégout.

Une fois qu'elle fut partie, je fis volte-face, mais le buisson était vide de toute présence. Dépitée, je pris la direction de ma maison, et sur le trajet, je me mis à réfléchir.

Anna... un nom tellement vide! Enfin, rempli de souvenirs inaccessibles ...


Hunted. [Réécriture en suspend]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant