Lorsque je rouvris enfin les yeux, la nuit dominait la forêt. Les lunes jumelles, visibles dans la lucarne parmi les feuillages, étaient pleines ce qui me permit de ne pas être dans l'obscurité totale. La boue collée à mon visage avait séchée, créant des plaques sur ma peau déjà bien abîmée. Mes sens n'étaient plus aussi affolés qu'auparavant et mon mal de crâne s'était estompé, sans s'être totalement résorbé. Je me sentais bien mieux qu'en m'endormant, mais il était clair que je ne ferais pas le poids face à un nouveau danger.
Mon ventre criant famine, je compris que ma priorité était de me nourrir. Tâche complexe dans le noir et sans aucune connaissances des plantes qui m'entourèrent. Avant toutes choses, il fallut m'assurer qu'aucune bête ne tenait à me tenir compagnie dans les environs. Mon odorat m'aida beaucoup et ne perçut aucune odeur spécifique. L'ouïe confirma la fragile sécurité dans laquelle j'étais. Mes jambes, aidées de mes bras, me relevèrent avec difficulté, tandis que mon regard parcourut les environs, à la recherche d'un quelconque salut. J'avais dévalé une butte de 4 ou 5 mètres, boueuse à souhaits. Finalement, c'était peut être bien cet ingrédient qui m'avait permis de rester invisible aux yeux des prédateurs en leur cachant mon odeur.
"Trouve de quoi manger puis retourne immédiatement sur la route." me répétai-je en boucle alors que je marchai parmi les troncs humides.
Mais par où aller? La nuit, supplée par les arbres, m'empêcha de me repérer correctement. Enfin, pas exactement car mes sens m'avaient déjà permis de me repérer dans l'obscurité. Sans doute était-ce mon corps qui, à bout de souffle, ne parvenait plus à se repérer dans cet enfer. Je n'osai pas non plus me fier à mon sens de l'orientation qui n'était pas assez fin à mon goût pour m'y abandonner.
Après une bonne heure passée à déambuler à travers la forêt, alerte et prête à courir au moindre bruit, je finis par choisir une option plus rapide et m'armai de courage pour me mettre à grimper à un arbre. La seule chose que j'avais conservée de mes affaires était un couteau. Petit, mal affuté mais utile lorsqu'il s'agit de ne pas tomber de plusieurs mètres de haut. Mes bras quasiment dénués de muscles eurent beaucoup de mal à me hisser jusqu'aux premières branches. Ce fut là le plus compliqué. Une fois celles-ci atteintes, je pus faire une pause pour reprendre mon souffle avant de me remettre à l'escalade. Les derniers mètres furent encore plus risqués: en atteignant la cime de l'arbre, le tronc devint dangereusement fin et je craignai d'aller plus haut et de le voir céder, même si mon léger poids n'eut que peu de chances de changer quoi que ce soit. Heureusement pour moi, rien ne se passa. Une fois au sommet je pus admirer la vue qui s'offrit à moi. J'avais dû dormir longtemps car le soleil gagnait déjà du terrain sur la nuit à l'horizon. Les quelques nuages présents se coloraient petit à petit d'une couleur orangée puis rosâtre. Les lunes brillaient encore sur la cime des arbres, faisant ressortir leurs silhouettes. Elles firent se révéler l'immensité encore assoupie: des arbres, à perte de vue, s'étendant sur des centaines de kilomètres sans aucun doute. Il fallut que je me retourne pour enfin voir le repère que j'espérais depuis longtemps: la montagne! Je me rendis compte que tout le chemin que j'avais fait depuis mon retour à la réalité s'était fait à l'opposé de mon objectif. Heureusement que mes forces n'étaient pas parvenues à me mener très loin.
Avant que je décide de redescendre, quelque chose attira mon regard: une clairière, à peine à dix minutes de marche. Le plus intéressant dans cette étendue, c'était ce qui y broutait l'herbe. Je n'en crus pas mes yeux lorsque je vis se dessiner dans l'ombre du soleil levant un troupeau d'animaux qui ressemblait trait pour trait à... des chevaux!
"Non Sophie, impossible que s'en soient de vrais. Ils doivent être carnivores ou même cannibales... N'y va pas".
Voilà le genre de phrase censée que j'aurais dû me dire. Je mis ma folie sur le dos de la déshydratation lorsque je choisis d'aller me risquer dans cette plaine. Je n'avais pas grand chose à perdre, et je risquais autant en y allant qu'en traversant la forêt sans rien de plus qu'un couteau pour me protéger.
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9Egara - L'éveil du dragon
FantasyDans l'ombre de la capitale à l'abris des conflits entre rebelles et l'armée royale, Sophie, une jeune sans pouvoir, tente de survivre par tous les moyens. Un jour, un soldat la prend pour cible et la jeune femme se retrouve en fuite. Alors qu'elle...