-Dans ce cas, bienvenue chez les rebelles!
La gorgée d'alcool que j'eus tout juste avalée faillit ressortir sans détour: les rebelles ?! Je n'étais clairement pas au courant de ce léger détail... J'allais justement demander où j'avais atterri, et la réponse me déstabilisa.
-Ashka, tu fais l'erreur à chaque fois ! se plaigna un homme au fond de la salle dont la voix rauque avait fait se taire une partie de la salle un court instant.
Celui-ci se leva en faisant grincer sa chaise sur le parquet et me tapa amicalement dans le dos de la main :
-Tu n'es pas chez les rebelles ici. Ils nous soutiennent mais nous ne sommes qu'une petite organisation bien faible face à leur importance.
Un homme couvert d'une cape prit la parole à la suite :
-En fait, tu es ici dans un refuge pour sans pouvoirs, ou « impotents ». Il y en a plusieurs dans la ville... environ 6 ou 7. Nous sommes de la même organisation et on essaye d'aider ceux qui sont en détresse. Mais pour des raisons techniques, on évite d'ébruiter l'idée que nous existons. On intervient que lorsqu'on en a les moyens.
Je les écoutai attentivement, totalement surprise de découvrir que des sans pouvoirs avaient réussi à former une telle entreprise. Cela me sembla si invraisemblable dans cette capitale qui chassait si durement les impotents. Ils étaient généralement réduits à un état de servitude totale durant toute leur vie ou étaient employés sans répit par le royaume aux tâches ingrates que refusaient de faire ceux doués de magie. J'eus la certitude en peu de temps que je pouvais me détendre et cesser de penser à la façon dont je devrais survivre dans les jours qui suivraient. L'ambiance tendue mais pourtant joviale parvint à m'entraîner dans son élan de gaieté. Après la journée la plus mouvementée que j'avais vécue, je pus enfin me reposer et laisser mon esprit s'apaiser.
La soirée passa vite: on me fit manger copieusement et boire à volonté. L'ambiance était cordiale et détendue, sans doute grâce à l'alcool qui tournait sur chaque table. Ashka se révéla d'un appétit hors norme, tout comme sa taille du reste. A l'inverse, je fus amusée de constater que l'hybride qui gérait la porte se contentait d'une maigre portion de salade et d'un verre de lait. Il ne parlait pas et restait seul sur sa chaise haute, le regard perdu devant lui. De temps en temps, un homme sortait dans la rue, des armes cachées sous un long manteau. Une fois seulement, un homme entra après moi. Trempé jusqu'aux os, le pauvre bougre devait être frigorifié. Il y eut un instant de latence lorsqu'il avait toqué à la porte. Instant durant lequel tous s'apprêtèrent à empoigner leurs armes et à combattre. Je réalisai alors encore plus la menace que représentaient les forces armées de la reine pour ce genre d'organisation clandestine.
L'hybride se leva et traversa la pièce d'un pas lourd, faisant rugir le parquet. Comme pour Ashka et moi, il finit par ouvrir la porte après avoir constaté que ce n'était pas un ennemi à travers l'œillet. Le cours de la soirée reprit aussitôt. Le nouveau venu était frêle et portait des habits de cavalier sous un long et lourd manteau de cuir, couvrant sa peau noire. Il passa un petit rouleau de papier à l'hybride d'un air entendu en lui chuchotant des mots inaudibles de là où j'étais assise. Ils s'échangèrent un regard, acquiescèrent puis le messager s'installa à notre table tandis que l'homme-vache se retira dans une pièce à part en déroulant le papier.
Ashka le salua joyeusement, salut qu'il lui rendit avec légèrement moins d'entrain. Il avait les yeux cernés et les mains jaunâtres à cause du froid et de l'humidité. Il demanda à travers la salle une assiette de divers mets accompagnée d'une grande chope de bière. C'est lorsqu'il eut mangé quelques bouchées qu'il remarqua ma présence, comme si jusque là j'avais été invisible :
VOUS LISEZ
9Egara - L'éveil du dragon
FantasíaDans l'ombre de la capitale à l'abris des conflits entre rebelles et l'armée royale, Sophie, une jeune sans pouvoir, tente de survivre par tous les moyens. Un jour, un soldat la prend pour cible et la jeune femme se retrouve en fuite. Alors qu'elle...