Chapitre 10 : Se battre, peu importe la douleur

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Mes yeux s'ouvrirent lentement. La lumière éblouissante de la salle dans laquelle j'étais était encore trop violente pour moi, si bien que mes yeux se résumèrent à deux fentes. J'avais soif, faim aussi. La bouche pâteuse, je tatonnai de mes mains à l'aveugle les draps du lit dans lequel j'étais, puis la petite table de chevet à côté de mon oreiller. Je n'eus pas à chercher longtemps car un verre d'eau fut placé dans ma main par quelqu'un. Je me redressai contre le mur, l'oreiller dans le dos et enfin mes yeux acceptèrent de coopérer.

-Bonjour, parvins-je à marmonner d'une voix cassée.

-Comment te sens-tu? demanda Max.

Il était assis sur une chaise proche de mon lit. Un tas de papiers étaient disposés sur une table derrière lui.

-Courbaturée. Je découvre des muscles dont j'ignorais l'existence.

Ce n'était pas une blague, j'apprenais sérieusement l'existence de muscles par la douleur qu'ils me causaient.

-C'est normal, tu as demandé un effort incroyable à ton corps, ce sont les répercussions.

Une migraine foudroyante accompagna le cocktail initial, ce qui m'arracha une grimace. Après quelques secondes d'adaptation, je dem andai de ma voix cassée:

-Que s'est-il passé?

Max reposa sur la table de nuit le verre vide que j'essayais de remettre à sa place maladroitement.

-Tu es parvenue à te transformer entièrement pour nous sauver de l'attaque des blackbirds.

Des bribes de souvenirs me revinrent, mais il me fallait plus d'indices.

-Malheureusement, tu n'es pas parvenue à conserver le contrôle de ton... colocataire. Il a pris le dessus et tu es tombée en léthargie après avoir repris ton état initial.

La sensation des ténèbres qui m'entouraient, de couler au fond d'un lac gelé, tout me revint en un éclair et me laissa paralysée. Le regard perdu dans le vide, un détail me mortifia:

-Je me souviens, je t'ai vu... Tu étais entouré de cendres, de débris et de charpentes carbonisées...

J'eus du mal à déglutir tant les pensées qui abondaient m'horrifiaient, et le silence pesant de Max ne me rassura en rien.

-Il y avait un village limitrophe à la forêt. Sheitan l'a senti et s'y est rendu. Je l'ai suivi, mais je n'ai pas pu changer ce qui était déjà fait.

Le timbre de sa voix était calme mais la gravité de ce qu'il m'annonçait transparairassait dans ses mots, dans sa façon d'être. Il n'y avait pas besoin d'en dire plus, mon esprit entreprenait déjà de me montrer des scènes sanglantes dont j'étais la responsable. Je vis alors ce que Sheitan avait commis en prenant possession de mon corps. Je vis les flammes s'abattre sur des maisons de bois. J'entendis des cris de peur de toute part. Il y eut les pleurs d'un nouveau-né, puis plus rien. Assise dans ce lit d'hôpital, j'étais en vie, contrairement à des innocents qui avaient été sauvagement tués par un monstre quelques heures plus tôt.

-Des survivants? soufflai-je à demi-mots.

Le mage acquiesça:

-Une famille, ils ont été recueillis par le bastion le plus proche. Ils pourront y rester autant qu'ils en auront besoin.

Ce fut la seule bonne nouvelle de la journée. Mon sang se glaça au fur et à mesure que je prenais conscience des événements. Ma vision devint floue, les larmes montaient. J'avais besoin d'être seule, de digérer l'information. Mais je compris bien vite que ce ne serait pas possible avant un certain moment lorsque Max reprit la parole:

9Egara - L'éveil du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant