9Egara - L'éveil du dragon

Chapitre 1 - ou comment se retrouver pourchassée par une ville entière

Note de l'auteur: Ce premier chapitre est le plus long. Ne vous inquiétez pas, les prochains seront plus courts mais postés plus souvent. Bonne lecture :)

Des applaudissements se firent entendre tout autour du petit théâtre de bois installé à la hâte dans la rue marchande bondée de monde. Les marionnettes dansaient au gré de l'histoire, illustrant au jeune public émerveillé les mythes de notre pays tandis que je soupirai de voir une nouvelle fois cette comédie jouée de la sorte.

« N'oubliez pas les enfants, ne vous battez pas ! Ni contre vos petits camarades ni contre le royaume ! Notre reine est bonne et maintient la paix pour prouver aux dieux que nous sommes un peuple juste et pacifique pour le dernier jour de la deux millième année, le jour du grand jugement! » clamait le marionnettiste pour clore son spectacle.

Chaque représentation de rue se concluait de la sorte, en outre c'était le cas des représentations officielles. Le peuple du royaume buvait ces paroles et glorifiait la reine sans se poser de questions. La majorité des habitants de la capitale étaient aisés, riches propriétaires fonciers ou grands industriels et ne voyaient pas la misère même quand elle était sous leurs nez. Pour ne pas les incommoder, les misérables quartiers pauvres de la cité, les plus excentrés, avaient été séparés par des murailles, formant ainsi trois strates différentes. Quelqu'un de réfléchi aurait compris que ces ridicules représentations n'étaient pas un appel à la paix dans le but de sauver l'humanité mais un message de propagande martelant sans cesse le crâne des citoyens. « Ne vous dressez pas contre le royaume. Laissez les puissants de ce monde gérer leurs entreprises au péril de votre vie », voilà ce que j'entendais à chaque coin de rue.

J'attendai patiemment au coin d'une échoppe que ma maîtresse en ressorte. C'était mon rôle : la suivre et obéir à ses ordres sans jamais rien redire. En effet dans ce pays « juste et pacifique » une loi informelle structurait l'ensemble de la société : ceux qui n'ont pas de pouvoir se soumettent à ceux qui en ont. Écrite nulle part et pourtant ancrée à vie dans tous les esprits, cette « loi » m'a fait « propriété » de ma maîtresse Sasha lorsqu'elle me recueillit à mes 7 ans. Je n'avais aucun souvenir des années qui précédaient le jour où je l'ai rencontré, aucune famille chez qui me réfugier.

Je rêvassai donc le temps que le shopping de Sasha se finisse, adossée contre un mur de brique à l'angle d'une rue sombre. Mon regard se balada un peu partout, observant discrètement les passants et les marchandises étalées sur les stands du marché. On trouvait des armes, des poupées de chiffon, des potions en tous genres... Par moments, quand l'attente s'éternisait, il m'arrivait de m'imaginer avec certains bijoux présentés. C'est alors que quelque chose attira mon attention au milieu du vacarme continu du marché : sur le mur qui me faisait face étaient collées de nombreuses affiches les unes par-dessus les autres. Certaines étaient rendues illisibles par les éléments et avaient un bout arraché. Cependant, celle du milieu sorta du lot. Quelques pas suffirent pour me permettre de la déchiffrer : le visage froid d'un jeune homme y était reproduit. Il avait des cheveux lisses qui retombaient un peu sur son front en mèches et une mâchoire carrée. Son regard noir soulignait son sérieux et le rendait très peu chaleureux. Il était tourné de trois quarts et on pouvait discerner derrière lui un grand brasier dévorant une vieille demeure. La légende disait «RECHERCHE, GÉNÉRAL REBELLE, VIF SEULEMENT, 4 000 000 000 Disos». Ce fut la première fois que je vis autant de zéro d'affilée pour une récompense! Plus encore que certains meurtriers dont on racontait les sévices dans la capitale. Sans que je sache pourquoi, ce visage ne sortit jamais de ma mémoire. Ce jeune homme ne devait pas être beaucoup plus âgé que moi et faisait déjà partie des rebelles, et qui plus est, en tant que général. Il devait avoir un pouvoir hors du commun pour être aussi haut gradé aussi vite. J'en fus fascinée et ne pus détacher mon regard de l'affiche.