9Egara - L'éveil du dragon

Chapitre 9 : Première sortie

La reine était très embarrassée. Juchée sur son trône vieux de plusieurs siècles, sa grimace était visible de toute la cour présente dans la grande salle. Il était peu commun d'assister à ce genre de situation car la souveraine était entre autres connue pour son contrôle absolu de ses émotions et ce qui en découlait. Seulement voilà, quatre mois s'étaient écoulés depuis cette étrange nuit et ses soldats s'étaient montrés tout bonnement incapables de trouver le moindre indice. Si quelque chose l'énervait plus que les effusions de sentiments, c'était bien l'inefficacité. Voilà pourquoi elle s'accordait aujourd'hui le droit de montrer son désarroi devant ses généraux et chefs de brigades, alignés devant elle. Les moins gradés s'étaient trouvés une grande passion en la contemplation de leurs chaussures et les plus téméraires n'osaient piper mot.

"Vous êtes en train de me dire que la jeune fille que l'ensemble de la garde royale poursuit activement depuis quatre mois se trouve sans doute dans le camp ennemi?" reformula la reine après avoir écouté le maigre rapport qu'avait à lui offrir un de ses officiers.

Celui-ci laissa presque de côté son devoir de militaire pour se dandiner sur place, malaisé, ce qui clivait beaucoup avec l'uniforme rutilant qu'il portait.

"Savons-nous exactement dans quel bastion elle se trouve?" demanda ensuite la souveraine.

Ce fut un de ses généraux qui prit le relai, celui qui avait pris personnellement en charge l'affaire en voyant le manque de progrès... mais qui ne parvenait pas non plus à briller par ses résultats :

"Nous sommes quasiment certains qu'elle est au sein du quartier général. Nous n'avons perçu aucune intensité magique aussi singulière dans aucune région du royaume... Il est donc fort probable qu'elle est au sein de la forêt interdite, au milieu du vortex magique."

-Et étant donné que nous n'avons strictement aucune idée d'où peut se situer ce maudit bastion, nous ne sommes pas plus avancés... soupira la reine en se massant les tempes.

"Bao doit garder un oeil sur elle. Il l'a même sans doute mise sous haute surveillance. J'ai bien peur que les rebelles aient trouvé là un atout majeur..." songea-t-elle en son fort intérieur.

-Comment se débrouille le général remplaçant à qui j'ai confié Avestil et son agglomération?

-Il est parvenu à faire baisser la criminalité drastiquement au sein de la ville, répondit l'auteur du rapport.

-N'était-il pas censé lever des troupes pour inspecter la forêt? questionna la reine, peu satisfaite de la réponse.

-Il l'a fait, mais comme vous le savez, dompter la forêt interdite n'est pas chose aisée votre majesté, poursuivit le gradé.

-Il a donc levé une armée de paysans pour... ne rien faire?

Les hommes se regardèrent, gênés, ce qui finit d'excéder la monarque.

La reine se leva, et tous se redressèrent pour la saluer. Sans dire un mot, elle leva le bras pour faire signe à ses interlocuteurs de s'en aller. Immédiatement obéie, elle se retrouva bientôt seule dans l'immense salle, accompagnée de son seul conseiller.

-Au moins, elle n'est pas entre les mains de Kieversonna, déclara-t-elle, le regard perdu dans le lointain de la pièce.

-Elle n'en est pas moins dans le camp ennemi, ma reine.

Elle leva son regard fatigué vers l'homme aux cheveux poivre et sel puis le reporta devant elle.

-Vous avez raison, Hubo. Vous avez raison...

Avec un dernier soupir, elle se leva pour se diriger vers une porte à sa droite et sortit de l'endroit. Sur son chemin, tous s'arrêtèrent et effectuèrent une révérence soignée, auxquelles elle répondit par un sourire étriqué. Elle avait regagné son masque impassible et son rôle de souveraine. Elle passa par un long couloir traversé de glaces plain pied donnant sur les jardins du palais. L'hiver avait achevé de dénuder les arbres colorés qu'elle aimait tant, à son plus grand regret. Son attention se reporta sur son chemin car les petits pas d'Hubo derrière elle la sortaient de ses souvenirs.