Chapitre 10 : Destruction

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Bao ne savait pas quoi penser: sa séance de méditation avait été interrompue. Ce genre d'imprévu le contrariait, car il était rare qu'il se laisse du temps pour lui. Cependant, cette fois-ci, le Maître ne fut pas autant en colère que les autres fois. Aujourd'hui, ce n'était pas un mage dépendant de la hiérarchie qui lui avait fait perdre son temps. Non, cette fois-ci, ce fut un souvenir d'une époque qu'il avait longtemps cru révolue. Alors que la matinée débutait, un hurlement bestial avait remué l'ouest de la forêt. Si les mages du bastion s'en étaient étonnés, cela avait réjouit Bao. Il savait parfaitement d'où venait ce cri, ce qu'il représentait, et même ce qu'il risquait d'entraîner. Il était tombé à point.



Le soleil baignait de lumière l'ensemble du village. Ce jour-là, les enfants étaient tous sortis sur la place centrale pour déjeuner avant de reprendre l'école. Les champs s'étendaient sur des dizaines d'hectares autour du hameau, si bien qu'il fallait souvent marcher bien longtemps pour atteindre certaines terres. C'est pour cela qu'Arthur ne pouvait partager son repas avec le reste de ses amis: le chemin était tellement long qu'il apercevait plus les arbres de la forêt interdite que le clocher de l'église. Heureusement, il était accompagné de ses deux enfants et de sa femme, qui l'aidaient tous les jours à travailler la terre. Le soleil à son zénith, la petite famille se regroupa sous l'ombre d'un vieux chêne perdu parmi les cultures afin de fuir la chaleur étouffante qui régnait. Assis en rond auprès de ceux qu'il aimait plus que tout, le paysan se sentait comblé. Il s'adossa contre le tronc centenaire de l'arbre et ferma les paupières afin de mieux profiter de l'air, du silence, de l'odeur qu'il trouva divinement bonne. S'attendait-il à entendre un cri venu des tréfonds des ténèbres? Non, mais il ne s'attendait encore moins à voir une ombre gigantesque apparaître devant lui. Elle recouvrit la moitié du champ des ténèbres et fila par-dessus les cultures à une vitesse vertigineuse. Ses enfants voulurent crier, mais son instinct lui fit coller ses mains sur leurs bouches. Il sentit au fond de son âme qu'il ne fallait surtout pas se faire entendre. La petite famille se blottit tout en tentant de rester à l'abri du dense feuillage. Lorsque l'ombre survola l'arbre et les dépassa, les quatres paires d'yeux découvrirent deux ailes noires, une longue queue aux pointes tranchantes, un cou hérissé de membranes aux reflets rouges et des griffes aussi longues que leurs bras. Un animal...Non, un démon. Jamais Arthur n'avait vu pareille créature, ni ce dont elle était capable. Il le découvrit bien vite lorsque la bête s'intéressa aux petites maisons de pierres. Elle effectua quelques cercles dans le ciel, tel un rapace guettant une proie agonisante. Déjà, des cris d'effroi s'élevaient. La bête se laissa perdre de l'altitude et appuya ses musculeuses pattes arrières sur les murs de l'édifice religieux. Il tendit son cou et Arthur devina avec ses yeux fatigués qu'il ouvrit la gueule car une colonne de feu se déversa sur ce qui devait être la place principale. À nouveau, son instinct parla pour lui, et il prit ses enfants et son épouse dans ses bras, tentant désespérément de les empêcher de voir, d'entendre, d'imaginer... Arthur resta là, les bras autour de sa famille durant de longs instants et ne sortit de sa torpeur que lorsqu'il entendit le roulement des sabots d'un cheval au galop. Il tourna la tête sur la gauche et vit un homme debout sur ses étriers au-dessus d'un petit cheval courant aussi vite que le vent. Ils se dirigeaient droit vers le village et la bête.

Ce que je voulais à tout prix éviter était en train de se produire. Sophie, ou plutôt Sheitan, était en train de se déchaîner sur le premier village qui avait croisé sa route. Ce n'était pas très surprenant venant du démon qui sortait de sa prison mentale pour la première fois depuis de longues années, mais il fallait trouver un moyen de l'empêcher de sévir. Mon cheval venait de parcourir à une allure hallucinante une longue distance, son souffle court et saccadé m'informa qu'il ne pourrait plus continuer très longtemps. Il ne restait plus qu'une grosse centaine de mètres avec le village qui, déjà, partait en fumée. L'église sur laquelle le démon s'était posé s'était effondrée sous son poids si bien qu'il avait repris son envol et faisait s'abattre ses flammes depuis le ciel. Le ciel s'était assombri en quelques secondes, comme si l'environnement savait qu'une journée idyllique ne convenait pas à la scène apocalyptique qui se déroulait.

9Egara - L'éveil du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant