2. Ariel

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Il me faut une petite-amie.

Des termes plus politiquement corrects seraient « il me faudrait une petite-amie ». J'en ai envie ; c'est loin de constituer un besoin viscéral et absolu. Sauf que le sentiment d'urgence qui m'habite me pousse à exiger de la sorte.

Même si je n'ai que vingt-deux ans, je ressens ce besoin de me poser. Contrairement aux autres, je ne trouve plus d'intérêt dans les plans sans lendemain ; mais il faut dire que les autres ont encore plus d'un an à vivre.

Il me faut une petite amie, donc. Mais comment saurais-je si celle que je choisis est la bonne ?

Je détaille les gens autour de moi ; les lumières rouges et vertes donnent aux visages des airs de monstres assoiffés d'alcool et d'allégresse. Peut-être que ma dulcinée se trouve à cette fête. Ou peut-être pas.

Je n'ai jamais connu l'amour, le vrai. Celui que mes parents partageaient, et qui me faisait rêver étant petit. Celui qu'on décrit dans les contes de fées. Celui qui nous fait vibrer des pieds à la tête.

Je n'ai vécu que des histoires sans grand intérêt, plus charnelles que sentimentales. Si elles m'ont convenu un temps, j'ai maintenant besoin d'autre chose. D'une relation profonde. De rire, et de pleurer avec quelqu'un. De l'aimer à crever.

À crever, c'est le mot.

Le problème, c'est qu'une petite-amie sérieuse, ça ne se trouve pas en trois jours. Une relation se construit. Enfin, c'est ce que Rai m'a dit. Lui, il s'y connaît, en nanas ; il est avec la même depuis deux ans.

C'est d'ailleurs lui qui m'interpelle, un gobelet orange à la main :

— Alors, la pêche est bonne ?

Je secoue la tête.

— Fais un effort ! me rabroue-t-il en me rejoignant. Elles sont toutes à tes pieds. Tu n'as qu'à aller en piocher une dans le tas !

Je souffle, dépité :

— C'est ça le problème, Rai.

Je m'empare du verre qu'il me tend et reprends sous son regard inquisiteur.

— Je ne veux pas de n'importe qui. Je veux quelqu'un de sérieux, pas juste une fille qui sortirait avec moi pour le prestige stupide d'être avec le « roi du bar ».

— Avoue que tu aimes ça, quand même.

Un rictus éclot sur mes lèvres. Le surnom dont on m'a affublé a beau être d'un ridicule sans nom, il fait toujours naître en moi une pointe de fierté.

Je travaille plusieurs soirs par semaines dans un bar à côté de l'université, et j'ai le don de mettre l'ambiance à tous les coups. Pas mal d'étudiants me connaissent par ce biais ; et si j'ai joué, un temps, de cette petite notoriété pour attirer des femmes dans mon lit, je ne le souhaite plus maintenant.

— Oui... mais non.

— Comment tu vas t'y prendre, alors ?

— Aucune idée. Je cherche. Mais comment je pourrais trouver la fille de mes rêves dans une soirée étudiante, sérieusement ?

Mon ami hausse les épaules.

— Ce sera toujours mieux que dans la rue. La population présente ici est plus à même de vouloir t'embrasser que n'importe quelle passante.

— Certes.

— Je peux t'arranger un rendez-vous avec une amie de Taylor, si tu veux, suggère Rai.

Je fronce le nez. Je compte me débrouiller seul. Et puis, les rendez-vous arrangés sont bien souvent les plus foireux.

Je décline sa proposition. Ses yeux s'illuminent soudain, signe que Taylor est arrivée.

Aime-moi si je mensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant