8. Ariel

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Je n'ai jamais vu Pixie aussi stressée. Non pas que je la connaisse particulièrement bien – cela ne fait qu'une semaine et demi que notre engagement a débuté – mais là où elle est sarcastique et détendue avec moi, elle n'est que stress et bougeotte alors que nous nous rendons au restaurant choisi par Maeve pour notre double date.

Je ne peux me retenir de la rassurer.

— Tout va bien se passer, t'inquiète.

— Et s'ils n'y croient pas ?

— Ça n'arrivera pas. On va tout faire pour.

Je doute que mes paroles aient un grand impact sur elle, mais ses épaules se relâchent un peu tout de même.

Je l'entends marmonner des détails sur notre fausse histoire ; son angoisse pourrait me faire sourire, mais je suis moi aussi un peu stressé. J'ai envie que notre plan fonctionne, pour la simple et bonne raison que Pixie en a vraiment besoin, et qu'aussi fou que cela puisse paraître, je me suis attachée à elle en un rien de temps. Je me plais à penser que notre premier rendez-vous nous a rapprochés.

— Il faut que tout se passe bien. Il le faut, répète-t-elle.

Nous pénétrons dans la salle, tamisée et chaleureuse. Pixie aperçoit son amie, et me saisit la main pour nous amener à elle. Sa paume est moite ; j'y exerce une pression, à laquelle elle répond aussitôt.

— Bonsoir ! s'exclame Maeve.

Ses yeux verts pétillent alors qu'elle prend sa meilleure amie dans ses bras. Je lance un signe de tête à Drew, dont les cheveux aux reflets vénitiens scintillent sous la lampe placée sur notre table. Le plan est de manger, puis d'aller au cinéma ; un rendez-vous assez classique, mais efficace.

Pixie se retrouve en face de Drew, et moi à côté d'elle. Nous échangeons quelques banalités, choisissons nos plats et vite, en arrivons à parler de nous.

— Vous êtes déjà allés au Sky Garden ? nous interroge Maeve.

Pixie secoue la tête.

— Vous devriez ! C'est tellement romantique, d'observer Londres de si haut, à deux. En plus du restaurant tout en haut, il y a des supers plantes à observer, ça te plairait beaucoup, confie-t-elle à Pixie.

— Il ne faut pas avoir le vertige, déclare Drew. J'ai bien cru que j'allais mourir, moi !

— Heureusement que j'étais là pour te rassurer, n'est-ce pas ? lui chuchote Maeve pas si discrètement que ça.

Ils s'embrassent. Pour la troisième fois depuis que nous sommes assis. Je jette un œil à Pixie, tendue comme un fil de funambule. Je me penche pour lui murmurer à l'oreille :

— Regarde le couple, derrière eux.

Elle s'exécute ; ses yeux rencontrent les deux petits vieux assis l'un en face de l'autre, sans un mot, chacun plongé dans leurs livres respectifs en attendant leur repas.

— L'amour, le vrai, rit-elle.

— Tu penses que c'est du temps de qualité ou juste qu'ils se détestent mais n'osent pas se quitter ?

Pixie se rapproche un peu de moi pour mieux les observer. Nous les voyons relever la tête à l'arrivée du serveur, et ranger leurs livres, avant de se sourire. Le monsieur embrasse la main de sa compagne, et Pixie soupire à côté de moi.

— Temps de qualité, murmurons nous tous deux.

Nos visages se tournent en même temps, et nos nez se frôlent.

— On ne vous dérange pas trop ? lâche une voix grave.

Je me recule d'un bond ; Pixie reste coite, alors je nous défends avec nonchalance :

Aime-moi si je mensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant