Aime-moi si je mens

6. Ariel

J'attends un message de Pixie depuis deux jours. Notre date se déroule demain, et bien que nous allons probablement faire mieux connaissance lors de ce rendez-vous, j'aurais aimé mieux la connaître avant de la recevoir chez moi.

Mon poste au bar, cumulé à plusieurs autres jobs accomplis au lycée, me permet d'économiser pour pouvoir rembourser un jour mon père. Il m'a acheté mon lieu de vie, sûrement pour se dédouaner de s'être marié à une mégère qui me déteste, et comme je suis un fils poli et un arnaqueur sans vergogne, je l'ai accepté. L'argent compense son absence. Ça a toujours été ainsi.

C'est pire depuis que Margaret et son fils, Anthony, vivent chez nous. Cette femme me voue une haine incompréhensible – que je lui rends bien, de fait – et je n'ai jamais pu supporter son rejeton, jeune homme mal élevé, opportuniste, que j'ai de surcroît surpris à nous voler plusieurs fois. Quand j'en ai parlé à mon père, il a juré qu'Anthony ne ferait jamais un truc pareil. Alors que je l'avais vu.

Je le déteste.

Mes doigts pianotent sur la table de la bibliothèque. Je ne parviens pas à me concentrer sur les cours que j'ai à potasser, focalisé à la place sur une jeune femme ensorcelante.

Je relis une énième fois la feuille sur laquelle j'ai noté mes idées de rendez-vous, ainsi que quelques informations sur les langages de l'amour existants.

Je ne connaissais pas du tout cette histoire, avant de chercher sur Internet des conseils pour séduire quelqu'un. Le site préconisait de connaître le langage amoureux de notre partenaire, pour l'émouvoir au mieux, et de savoir aussi le sien, à la fois pour lui indiquer comment nous appréciions être chéris, mais également pour savoir comment nous exprimer en amour.

Spoiler alert : je n'ai aucune idée de comment « exprimer mon amour ».

J'ignorais même qu'il existait cinq langages différents. Cela me paraît à la fois trop et trop peu. J'ai eu du mal à trouver des idées pour chaque date, mais je connais déjà le premier. J'espère que Pixie trouvera ça bien.

Sa présence m'intimide, me fait rire et me rend courageux, tout à la fois. Elle dégage une aura très particulière, et pour être honnête, je ne regrette pas un instant ce marché. Ce n'est pas la fille vers laquelle je me serais tourné en premier en tant que copine, mais tout compte fait, elle semble parfaite pour le rôle que je lui ai donné.

*

Mes yeux ne distinguent pas les mots qui défilent devant eux. Incapable de réviser dans ce silence bruyant, je me redresse, prêt à retourner chez moi pour mettre une musique d'ambiance effaçant mes pensées.

Une silhouette beige passe, et me fait tourner la tête.

— Pixie !

Je récolte une flopée de « chut » mécontents, mais ma cible se tourne vers moi. Ses sourcils se haussent, et ses jambes se stoppent. Abandonnant mes affaires sur la table, je m'approche d'elle.

— Tu avais perdu mon numéro ?

Pas de temps à perdre.

Elle gesticule, évite un instant mon regard, avant de plonger dedans à deux pieds.

— Non. J'avais besoin de temps.

— De temps pour ?

— C'est toi qui poses les questions maintenant ? m'agresse-t-elle.

— Oui.

Je reste planté devant elle, ne sachant que faire de mes bras ni de ma bouche. Cette fille est difficile à amadouer.