9. Pixie

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 — Pourquoi tu as peur de décevoir Maeve ?

Ariel me chuchote cette question sur le chemin du ciné ; Drew et Maeve sont à la traîne derrière nous. Sa question, bien que légitime, me fait tressaillir. Comment lui expliquer ?

— Je l'aime. Et je n'ai pas envie qu'elle me voie comme la méchante amie briseuse de couple.

— Tu ne veux pas qu'elle arrête de t'aimer, toi, chuchote-t-il.

La véracité de ses paroles me heurte à nouveau.

— C'est mal ?

— Je ne suis personne pour te dire si c'est bien ou mal. Je constate juste qu'elle veille sur toi aussi, même si tu ne le perçois peut-être pas. Et je pense aussi que tu devrais chercher ta propre approbation plutôt que celle de ton amie uniquement.

Je rétorque, acide :

— Je vis aussi sans Maeve, figure-toi. C'est juste qu'elle est là depuis le début de la fac, on a vécu nos premières soirées étudiantes ensemble, nos galères de logement, on a révisé à deux, tout partagé, alors c'est normal que je tienne à garder son affection.

Je ne contiens pas mon exaspération ; Ariel est mon bouc émissaire, et ce n'est pas juste, mais je suis tendue par Maeve, et Drew, et cette situation stupide. Sauf qu'il ne mérite pas mon animosité.

— Désolée.

Ses mots font écho à des profondes craintes en moi, que je ne suis pas prête à voir ressurgir.

« — Papa, tu m'aimes ?

— Qu'est-ce que c'est que cette question ? Retourne jouer, Pixie.

— Tu veux bien jouer avec moi ?

— Non. Laisse-moi tranquille. Demande à ta mère.

— Maman, tu veux jouer avec moi ?

— Non merci, j'ai d'autres choses à faire. Plus tard.

Pourquoi mes parents ne veulent pas jouer avec moi ? Pourquoi il ne m'aiment pas ? »

— Je n'ai pas besoin de Maeve, d'accord ? Je veux juste qu'elle soit heureuse, et oui, son avis et son opinion de moi m'importent beaucoup justement parce qu'elle est très importante pour moi.

Ariel hoche la tête ; j'espère qu'il comprend, mais si ce n'est pas le cas, tant pis.

— D'ailleurs, elle m'a redemandé dans les toilettes si voir Drew me gênait. Tu vois, je sais qu'elle m'aime aussi.

— Qu'est-ce que tu lui as répondu ?

— Que tout allait bien.

— Tu lui as menti.

Son ton n'est ni accusateur ni pitoyeux.

— Oui.

Il ne répond rien. J'apprécie sa sollicitude ; en peu de temps, il est devenu comme un grand frère, derrière mon épaule, bienveillant.

Un grand frère avec qui tu prétends être en couple.

Nous arrivons rapidement au cinéma le plus proche ; je vote pour un film d'action, Ariel un film d'horreur, et Maeve une romance. Drew tranche en faveur de sa copine. Forcément.

C'est donc devant un film mièvre à souhait que nous nous installons, à quatre au milieu d'une rangée, Maeve et moi côte-à-côté, nos copains à nos côtés.

Je jure que s'ils s'embrassent plus de deux fois, je me tire.

Le générique se lance. Une musique douce nous parvient, et une jeune femme court au bord d'un fleuve. Même si les images qui défilent me hérissent le poil, je me force à les regarder : tout plutôt que constater les mains liées de Drew et Maeve. Je ne sais pas s'ils ont déjà couché ensemble. Cette pensée m'effleure puis me frappe soudain. Je ne veux pas savoir. Mais je ne peux m'empêcher de me figurer leurs corps, dans un lit, et...

Aime-moi si je mensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant