16. Ariel

38 4 1
                                    

Je sonne pour la deuxième fois à la résidence de Pixie. Je prie pour qu'on me laisse entrer.

Quand mon téléphone a sonné, j'ai cru à une blague. Pixie n'appelle jamais. Cependant, j'ai quand même décroché. Elle m'a juste demandé :

— Tu pourrais venir ?

Je lui ai dit que je travaillais au bar, ce soir. Elle s'est défilée, avec un :

— C'est pas grave. Je ne sais même pas pourquoi je t'ai appelé, en plus.

J'ai compris au ton de sa voix que ça n'allait pas. Alors j'ai dit :

— Si le gardien de ta résidence me laisse entre, je passe après mon service.

Elle a dit qu'elle s'arrangerait, et elle a raccroché.

Toute la soirée, j'ai tergiversé à propos de ce qui pouvait bien se passer. J'ai peut-être moins mis l'ambiance que d'habitude, mais tant pis. Cela fait une semaine que je n'avais pas de nouvelles de Pixie, et voilà qu'elle m'appelle à l'aide : j'ai de quoi m'inquiéter. C'est pour ça que je me retrouve, à une heure du matin, debout devant son immeuble.

Enfin, la porte s'ouvre. Pixie m'attend, un T-shirt immense et un jean troué sur le dos. Elle signe un papier confirmant ma présence à la réception, je l'imite, et nous montons à sa chambre sans un mot. Je constate ses yeux rouges, mais ne lui fait remarquer qu'en sortant de l'ascenseur.

— T'as pleuré ?

— Non, je me suis frotté les yeux à l'ail. Entre, m'ordonne-t-elle en ouvrant sa porte.

Son sarcasme ne me tire même pas un sourire.

— Qu'est-ce qui s'est passé, Pixie ?

— Les portes de la résidence ferment à deux heures, élude-t-elle en retirant son jean et le balançant dans la chambre. Si tu restes après, tu ne pourras plus ressortir avant demain matin.

— Je m'en fiche. Je resterai là aussi longtemps que tu en as besoin.

Elle se frotte le bras, toujours devant moi.

— En fait... Tu peux rentrer chez toi. Désolée de t'avoir dérangé, c'était stupide. J'avais personne d'autre, mais je n'aurais pas dû–

— Appelle-moi quand tu veux. Même à quatre heures du mat'. Tu ne me dérangeras jamais.

Elle sourit, d'un sourire qui n'atteint pas ses yeux.

— Tu veux t'asseoir ? me propose-t-elle en se décalant.

Elle me désigne sa chaise de bureau et son lit ; je choisis la première, et elle s'installe en tailleur sur son matelas. Je retire mon manteau, et détaille sa chambre.

— C'est donc ça, ta collection de plantes ? Je m'attendais à mieux.

— Tu rigoles ? Je t'invite chez moi, et tu m'insultes de la sorte ? Tu devrais avoir honte !

Cette fois, son sourire est bien réel.

L'ensemble de la pièce renvoie une image chaleureuse et ordonnée de sa propriétaire, de la parure de lit impeccable aux étagères parfaitement rangées.

Je me fixe à nouveau sur Pixie, qui agite ses mains sur ses genoux. Je ne l'avais jamais vue dans cet état. À vrai dire, je ne l'imaginais pas capable d'être aussi angoissée, et triste. Non pas qu'elle ait un cœur de pierre ; je me suis tant habitué à la Pixie ironique, à son sourire en coin et la malice de ses yeux, que la voir abattue de la sorte me fend un peu le cœur.

J'attends qu'elle prenne la parole. Je ne veux pas la braquer en la poussant trop fort. J'appuie mon dos sur son bureau et retiens un bâillement : ce n'est pas le moment de m'endormir.

Aime-moi si je mensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant