4. Ariel

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Je ne pensais pas posséder autant de culot.

Quand j'ai proposé à Pixie de me retrouver dans ce café, je ne pensais pas qu'elle accepterait. Elle m'a surpris. Il semblerait que j'ai vu juste, après tout : cette fille a besoin de moi, et j'ai besoin d'elle aussi.

— Salut.

Je relève la tête en avalant ma bouchée : c'est elle.

— Je te pensais plus bronzée.

— Un problème avec ma couleur de peau ? m'attaque-t-elle.

— Désolé, je ne pensais pas à mal. C'est juste qu'avec les lumières et la pénombre d'hier, j'ai eu l'impression que... Je m'enfonce, là, non ?

Elle me lance un regard me le confirmant.

— En général, on évite d'aborder une personne racisée en lui parlant de sa couleur de peau. Surtout si c'est pour faire une remarque inutile dessus.

— Je note.

Elle s'installe sur la banquette face à moi, pose son sac à ses pieds, me laissant le loisir d'observer son profil un court instant.

Une oreille droite un peu pointue, des cils épais, quelques taches de rousseur constellées sur ses joues café. Sa mâchoire marquée se crispe lorsqu'elle se redresse, et sa fossette au menton bouge en même temps que ses lèvres charnues.

— Alors, c'est quoi, ton idée ?

— Tu veux pas manger ?

— Oui, Papa, marmonne-t-elle.

— Je veux bien que tu m'appelles « Papa », mais pas en public, s'il te plaît.

Une expression de choc passe un instant sur son visage.

— Je te pensais moins grivois. Et aussi : beurk.

Elle se lève, va commander un plat, et revient.

— Je t'écoute.

Je me racle la gorge, et commence :

— Tu as besoin que je joue au petit-ami quand ton amie est là. Vrai ?

— Oui.

Son absence d'hésitation me laisse entendre qu'elle est vraiment désespérée.

— Je peux faire ça.

Elle s'affaisse sur la banquette, soulagée.

— En échange, j'aurais besoin que tu m'accordes cinq rendez-vous.

— Cinq rendez-vous ?

— Étais-tu obligée de répéter ?

— Oui.

Nous nous jaugeons un instant ; je baisse les yeux le premier.

— Pourquoi cinq ?

— Tu ne vas pas te moquer de moi ?

— Non.

Clair, net, précis.

— Chacun ses problèmes, ajoute-t-elle. J'ai bien besoin d'un faux petit-ami pour faire croire à ma meilleure amie que je suis heureuse en ménage, je ne vois pas ce qui pourrait être pire.

— Je voudrais une petite-amie.

— Tu sais que je te demande juste de faire semblant ? Ce ne sera pas réel, articule-t-elle comme si j'étais sourd. Si tu cherches une véritable copine, ce ne sera pas moi, je te le dis tout de suite.

— Je sais bien, smartass. C'est là tout l'intérêt. Je voudrais trouver l'amour. Le vrai. Sauf que je ne sais pas comment m'y prendre. Je n'ai jamais eu de copine.

Aime-moi si je mensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant