22. Ariel

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Le bar est plein à craquer ce soir. Je cours derrière le comptoir, lance des sourires à tout va, ainsi que quelques clins d'œil ingénus. La fatigue se fait sentir après trois heures de service intensif, mais je ne lâche rien.

Un coude couvert d'une chemise jaune et bleu se pointe dans mon champ de vision, et je grimace face à la personne devant moi.

— Salut, Drew.

— Qu'est-ce que Pixie a dit à Maeve ? m'agresse-t-il.

Un peu abrupt, comme début de conversation, mais ça ne me démonte pas.

— Pardon ?

— Maeve et Pixie ont discuté, et après ça, ma meuf est venue me taper l'embrouille. Qu'est-ce qu'elle se sont dit ?

— Si elle ne te l'a pas appris, c'est qu'elle ne veut pas que tu le saches.

— Je sais que Pixie t'en a parlé, alors crache le morceau.

— Je ne peux rien pour toi.

Je tente de couper la conversation ; malheureusement, Drew n'est pas de cet avis et longe le bar, me suivant.

— Joue pas au con avec moi, Ariel, me menace-t-il.

Sans prêter attention à lui, je continue à servir des clients. Toutefois, il revient sans cesse à la charge. Il n'a pas l'air d'avoir bu, mais sa colère suffit pour déformer ses traits poupons.

Il voit juste : Pixie m'a informé qu'elle avait parlé à son amie il y a quelques jours, et qu'elle espérait que Maeve parle à Drew, voire le quitte. Je suis de tout cœur avec elle ; l'homme me faisant face ne fait que confirmer l'image déjà peu avantageuse que j'avais de lui. Entêté, colérique, virulent, il claque des doigts devant mon nez pour la seconde fois. Je lui saisis le poignet et le plaque sur le comptoir dans un bruit sec. Je ne suis pas fan de violence, et je doute de faire le poids face à lui, mais s'il le faut, je mettrai les poings. Hors de question de me laisser marcher dessus par ce pèquenaud.

— Si tu veux foutre la merde, ce sera pas dans mon bar, Drew. Alors soit tu commandes à boire, soit tu dégages.

Quelques badauds sifflent et tapent du poing, avides d'une bagarre ; je leur jette une œillade qui les dissuade de continuer. Je lâche Drew et le fusille du regard à son tour. Quand il s'éloigne, je souffle enfin ; mais quand il s'assied sur une banquette et commande une bière blonde à ma collègue, je grince des dents en lui préparant. Je me retiens de cracher dedans.

Je lui lance des coups d'œil réguliers tout au long du reste de mon service. Mon esprit est accaparé par sa présence étouffante, et j'ai hâte de rentrer chez moi.

— Paulo, tu fermes ?

Mon collègue acquiesce, et c'est exténué que j'enfile mon manteau. Je consulte mon portable, et un message me fait froncer les sourcils.

« Ariel. Tu es prié de venir au repas de Noël lundi prochain. Je t'épargne le repas du 24 chez la famille de Margaret, alors fais l'effort de venir le lendemain. Ceci n'est pas une suggestion. À lundi. Papa. »

Une soudaine envie de me claquer la tête contre le mur me prend. C'est ma soirée, on dirait. Entre ce message et Drew, je suis servi.

Je prends la route vers la bouche de métro, mais une ombre cachée dans un recoin me barre la route.

— On a pas fini, il me semble.

Sacrebleu.

— Je t'ai dit que je ne savais rien. Lâche l'affaire, Drew.

Aime-moi si je mensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant