Chapitre 21

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Gring Igitt marchait d'un pas lourd à travers tout le vaisseau. Où était encore passé Lafitte ?! Il était censé lui avoir envoyé un rapport des nouvelles directives de Lupus il y a déjà des heures et des heures !

« Lafitte ! hurlait-il dans tout le vaisseau.

Il grognait un peu plus agressivement à chaque pirate qu'il croisait qui n'était pas son subordonné. Ce n'était qu'une bande d'incapables.

— Lafitte ! réitéra-t-il pour la centième fois.

Un pirate pointa du bout de son tentacule la porte d'un placard fourre-tout. Igitt défonça la porte d'un violent coup de pied. Il découvrit Lafitte installé autour d'un tonneau qui lui servait de table avec trois autres pirates en train de miser des pièces d'or bleu par-dessus un jeu de cartes abîmé. Le visage du capitaine vira rouge.

— Tu sais depuis combien de temps je te cherche imbécile ?!

Lafitte releva les yeux sans comprendre ce qu'il se passait. Igitt saisit le bord du tonneau et le renversa, faisant voler les cartes et rouler les pièces.

— Que se passe-t-il capitaine ? demanda-t-il la voix tremblante.

— Ca fait des heures que je t'ai demandé de contacter Lupus et je n'ai toujours rien ! Tu as une puce de communication dans le cerveau, sers-toi en bon sang !

— Mais je... je... bafouilla-t-il.

— Mais quoi ?!

— Je n'arrive pas à le contacter, capitaine... Il ne répond plus, j'ai essayé plein de fois pourtant.

— Eh bien essaye encore, dis-lui que sinon je butte le gamin ! »

Lafitte regarda son capitaine sortir du placard tout penaud.

Igitt repartit dans le sens inverse jusqu'à la grande salle des commandes où une demi-douzaine de pirates s'affairaient à faire fonctionner l'engin volant. Il s'installa dans le fauteuil en hauteur au centre de la pièce, comme un roi sur son trône.

« Luciole, Pam, appela-t-il. Lancez la communication ! »

Les deux pirates obéirent aussitôt sans que le capitaine n'ait eut besoin de préciser de qui il parlait. Un titanesque écran bleu s'alluma et grésilla. Un bip sonore retentit trois fois. Igitt s'attendait à voir le visage de Lupus, mais à la place, l'écran continuait de projeter une lueur bleue crépitante.

Il attendit quelques secondes et demanda qu'on relance une communication. Encore une fois, personne ne répondit.

Igitt se leva de son siège en grinçant des dents. L'énerver et le frustrer devait être les passe-temps favoris de Lupus. Pourquoi répondre aussitôt quand on pourrait faire poireauter quelqu'un pendant des jours ?

Il retourna à son bureau où Melma avait rangé et trié tous les papiers qui trainaient. Depuis qu'Igitt l'avait pris sous son aile, elle était la plus jeune mais aussi la plus efficace de ses pirates. Du haut de ses 78 tempus, elle maniait déjà presque à la perfection les armes, était plus agile que la plupart de son équipage et pouvait chaparder tout ce qu'elle voulait. Il la considérait à la fois comme sa propre fille, une machine de guerre et un divertissement. Elle savait comment le faire rire.

Il tenta de réfléchir à un moyen de joindre Lupus. Il ne patienterait pas éternellement. La carte lui avait déjà échappé plusieurs fois à cause de ses directives. Quelques heures de plus et il prendrait les choses en mains.

Ne pas tuer le gamin, le laisser se reposer entre deux assauts, le pister sans se faire voir, éviter de le blesser... Voilà les directives de Lupus. Igitt les trouvaient complètement stupide. Il n'avait pas amassé de trésors depuis des lustres depuis qu'il cherchait la carte de Kaliora et que la crapule qu'était Lupus avait conclu un marché avec lui. Il n'aurait bientôt plus de quoi rémunérer ses hommes et ce serait un enfer sur le pont.

Il traquait nuit et jour Lüka pour atteindre la carte qu'il avait cherché pendant des années dans son coin, pillant au passage tout ce qu'il pouvait avec son équipage. Quand la crapule a découvert qu'il était près de la trouver mais qu'il lui manquait quelque chose, il prit contact avec lui afin de conclure un marché : Igitt devait à tout prix retirer la carte des mains du gamin sans lui faire de mal et il pourrait en faire ce qu'il voulait. Et pour ce faire, Lupus le guiderait à la carte puis à Kaliora avec des informations jugées secrètes dont seule lui connaissait l'existence.

Un marché qui avait conquis le capitaine qui rêvait de grandeur. Mais il ne pensait pas qu'il passerait autant de temps et sacrifierait autant de ses hommes pour ça.

Une petite partie de lui faisait confiance à Lupus qui lui avait déjà partagé quelques informations, mais tout le reste de son âme le détestait. Ses manières, sa voix, sa façon de parler, ses directives... Qu'est-ce qu'il pouvait détester cet homme !

Le chef cuisinier fit retentir sa cloche et le son fit vibrer les murs. Il était temps de passer à table. Le capitaine salua le cyborg et s'installa au bout de la table avec à sa droite Melma et Davy et à sa gauche Lafitte. Il mâcha rapidement la viande immonde car le charognard d'oiseau de fer du cuisiner commençait à tourner autour.

Melma se pencha discrètement vers lui.

« Je crois qu'on n'aura plus de nouvelles de Lupus... murmura-t-elle.

— Comment ça, Mel ? répondit-il la bouche pleine.

— Personne n'a plus aucune réponse ni signal depuis longtemps. Jamais il n'a tardé à ce point.

La jeune fille attacha ses cheveux courts rose pâle avec l'une des locks multicolores à l'arrière de son crâne pour qu'ils ne tombent plus dans son assiette.

— Il a dû lui arriver quelque chose, poursuivit-elle.

— Du genre ?

— Se faire kidnapper. Être retenu en otage. On n'est pas les seuls sur la carte. Il y a des géants de l'Univers aussi.

— Dans mon bureau, ordonna le capitaine en poussant son assiette et en quittant la table couverte de crasse. Dis-moi tout ce que tu sais Mel. »


Kaliora, la planète aux trésors T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant