Lorgner

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J' émerge brutalement.
Toujours cette sensation de panique.
Il me faut un temps pour comprendre.
Et la vérité me saute au visage.

Mon corps est devenu un cercueil.
Mon corps ne bouge plus.
Ne respire plus complètement seul.
Ma bouche ne prononce plus les mots.

Pourquoi ? Pourquoi je ne suis pas mort ?

Le masque à oxygène me gène, il appuie douloureusement sur le côté gauche de mon visage.
Je n'ai plus de mains pour le bouger.

Il y a ce bip qui résonne dans mes oreilles, insupportable. Un électrocardiogramme ? Probablement.
Un truc souffle de temps en temps, j' arrive à apercevoir un brassard de tension sur mon bras droit, mais là aussi, je ne sens rien.

Des tuyaux qui entrent et sortent de ce corps que je ne maîtrise plus du tout.

Si, un peu ma jambe gauche et mon bras gauche.
Ah, il est dans un plâtre.

Je ne peux pas, je ne peux pas être comme ça, mon dieu, je ne peux pas rester dans cette prison.

Les chats? Qui va s'occuper des chats? De Mme.... Mme....
Saperlipopette, je cherche, je cherche. Mme.... Qui va s'occuper d'elle? Le foyer? Qui va s'occuper des petits?

Je panique, la migraine frappe mon crâne de plus en plus fort.

J' entend des gémissements en continu..ah, c'est ce corps qui gémis.

Cette voix, chaude , profonde me chante une comptine rigolote.
Petit arc en ciel dans mon enfer.

Une autre voix, un barython , rapide, il reprend quand son souffle cet homme?

Quelqu'un réajusté mon masque, bouge ce corps cercueil, une femme me parle. Je ne comprends pas. La douleur reflue .
Le silence s'installe.

Le tintamarre.
Les chaussures qui claquent dans un couloir, des roues qui grincent, des voix  s 'interpellent.
Trop fort.
Toujours ce bip, ce souffle.
Ce corps cercueil.
J'ouvre mes yeux.

Je suis dans une chambre, entouré d' appareil doués de vie. Ça clignote, ça chuinte, ça stridule,  ça goutte.
Ça respire dans un léger ronflement.

Ronflement ? Je tourne un peu la tête.
Ah...une table de nuit encombré de trucs bizarres.
Plus bas, un autre corps, sous un autre drap.
Je me souviens d'yeux noirs, avec une tâche plus claire à droite.

J' ai peur, j' ai si peur, si je restais dans ce corps cercueil ?

Je suis si fatigué.

Une femme m' appelle, elle vérifie les machines, je ne comprends pas ce qu'elle me demande.
J' entend le mot. Je réfléchis, mon crâne pulse. C'est quoi ce mot: nom. C'est quoi un nom?
Elle prend un ton rassurant, lointain.

Une autre femme vient laver ce corps cercueil.
Mon drap s'envole, on me retire ma chemise. J' ai un peu froid à gauche.
Sensation de vertige, le lit s'élève doucement.

Là, je vois la voix, ma pensée rajoute, goguenard , sur cette voie, je vois la voix.
Au moins, j' ai encore ça, mes jeux  plus ou moins débile avec les mots.

Il est beau, dans son genre.
Brun, très brun de cheveux, de peau, de poils.
Cheveux ras, une barbe d'un ou deux jours sur une mâchoires anguleuse, des lèvres encore pleines, des rides au front, des pâtes d'oie, une peau buriné par le soleil. Quelques poils blancs par çi par là.

Mais....mais....il me mate!

Ces yeux me lorgne en douce, montent et descendent le long de mon corps cercueil.

J' ai l'impression d'être un gâteau à la devanture d'une pâtisserie.

Miam, disent ses yeux, je vais te croquer dis la bouche.

Un choux à  la crème, voilà, je pourrais être un choux à la crème.
Sa langue sort de sa bouche et lèche ses lèvres.
J' en reste sur le ulc...

Palsembleu!!! Jamais on ne m'a a regardé comme ça .
Ça réchauffe mon corps cercueil.

La gentille dame me rabille, me cale sur le côté, remonte le drap.
Il tourne un peu la tête.
Il voit que je l' ai vu me guigner.
Il devient écarlate, je dérive vers le bas de son ventre, il devient encore plus écarlate. J' éclate de rire en silence.

Monsieur, toilette au lit aujourd'hui.
Il se fige, sa bouche fait un 0 bien rond.

Il bande? A me regarder comme un choux à la crème, il doit bander.

Son drap s'envole.
A moi mon petit bonhomme.

Il risque un œil vers moi, secoue la tête, ramène son regard vers moi, ferme les paupières, les rouvres, les pupilles deviennent plus sombre, un éclat particulier, malicieux, sa bouche me fait un grand sourire.

Il a un torse dur, sec, des tétons bruns foncés, dressés.
Pas mon genre, mais j' apprécie le spectacle.
Le gant savonne, laisse des traces blanches, des routes de caresses.
Un ventre plat, debleu ! Il passe combien de temps à la salle?

Oups, oups, oups, le gant glisse dans son entrejambe, professionnel, sans sentiment
Un sexe un peu plus brun que le reste de sa peau se dépose dans une toison épaisse, bouclé
C'est à mon tour de saliver, de sortir ma langue... Beurk horrible masque à oxygène...
La gentille dame soulève délicatement ses testicules. 2 petites boules dures, plissées, ma main gauche s'arrondit.
Aïe !!! Il remonte ses longues cuisses . Un coureur? Un cycliste?
Il balance ses genoux pliés vers la droite , vers la gauche...
Miam.. je remonte vers son visage, il a  un grand sourire.
La gentille dame ne se rend compte de rien.

J' essaye de mettre tout mon désir dans mes yeux, j' ai envie, envie de tomber sur ce grand bonhomme, de l' écraser sous mon poids, de m' enfouir au plus profond...

Le bip s' affole, ça le fait rire.

Retour de la chemise.
Du drap.
La dame s'affaire encore un peu
Nos regards s' accrochent, se touchent, se veulent.
Il y a peut être un peu de vie dans ce corps cercueil.
Il me sourit.
Je m' endors.

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La réponse du berger au berger.
Merci aux lectrices et lecteurs.
Moi qui me lançait un défi à moi m' aime, pari en cours de réussite: je persévère et vous me lisez.
Bonheur du jour.

T'es qui toi?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant